Cathares, néo-cathares, pseudo-cathares

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Cathares, néo-cathares, pseudo-cathares

Cathare ! Ce mot est si souvent mal employé que l’on comprend qu’il soit devenu vide de sens pour beaucoup.

À peine était-il sorti de ses limbes par René Nelli et Anne Brenon qui lui firent un centre d’étude historique sur mesure, qu’il devint la proie des « marchands du temple » désireux d’en faire l’outil du réveil économique de la région languedocienne. Sur leurs pas, conscient que la marque Cathare était porteuse de profits et de valorisation, tous se sont engouffrés dans la brèche sans prendre la peine de chercher un vernis de cohérence à leur choix. De fait, on trouve des restaurants gastronomiques cathares, des groupes de lutte cathares, des équipes sportives (rugby, etc.) cathares, des pompes funèbres cathares, et bien d’autre idioties encore.

Mais, parallèlement à ce déferlement touristico-libéral, d’autres personnes se sont engouffrées dans le créneau pour valoriser des thèses et des choix spirituels qui n’ont au mieux qu’un vague rapport avec le sujet. Et ils sont nombreux ceux qui se revendiquent du Catharisme alors qu’au mieux ils ne le connaissent pas et, au pire, ils le pillent pour d’autres buts. Enfin, se trouvent aussi des personnes qui, désireuses d’une vraie référence avec les Bons-Chrétiens médiévaux, ont voulu en sauvegarder la mémoire mais n’ont pas su ou voulu les suivre jusqu’au bout de leur cheminement spirituel car la voie cathare est étroite et difficile. Je vous propose donc d’étudier tout cela et de voir ce qu’il convient d’en penser de nos jours.

Quid du catharisme ?

Le mot cathare est employé par de nombreuses personnes, sans qu’elles aient bien conscience de ce qu’il recouvre.

Le catharisme est un choix doctrinal chrétien parmi beaucoup d’autres. Il ne prétend pas être le seul choix valable mais il revendique une particularité qui lui semble plus cohérente que les autres et qui justifie à ses yeux un cheminement spécifique.

Rappelons aussi que le catharisme, s’il est clairement daté en ce qui concerne son commencement, n’est qu’une continuation d’une approche chrétienne spécifique qui fut sans cesse rappelée par les Bons-Chrétiens médiévaux, tant par le choix de la mise en avant de la filiation apostolique qu’ils revendiquaient que par la valorisation du mot Chrétien qu’ils se donnaient alors qu’il s’agissait d’un quolibet au premier siècle. Et cela s’observe par l’étude de courants chrétiens antérieurs comme le paulicianisme, le marcionisme ou le paulinisme, pour autant que l’observateur soit capable de s’extraire d’une approche dogmatique judéo-chrétienne et accepte l’idée qu’une spiritualité puisse être en perpétuelle évolution.

Après l’extinction de l’émergence cathare dont nous pouvons suivre les traces de 967 à 1463, comment faut-il appréhender les cinq siècles suivants ?

Si le catharisme était mort et enterré ses concepts doctrinaux et sa philosophie spirituelle seraient morts avec lui et personne n’aurait jamais connu dans son entourage de parents ou de voisins qui leur aurait transmis, au moins partiellement, des éléments doctrinaux. Or, nous connaissons plusieurs personnes qui revendiquent d’avoir eu un proche familial ou une personne de leur entourage qui véhiculait des opinions cathares. En outre, aujourd’hui, nous sommes quelques uns qui considérons ces éléments doctrinaux comme parfaitement valables et adaptables à la psychologie de notre siècle au gré de quelques évolutions. Cela prouve bien que le catharisme n’est pas mort au XVe siècle. Il est simplement entré en « hibernation » comme le font toutes les hérésies quand le temps n’est pas favorable à leur exposition publique.

Cinq cents ans de « sommeil »

Il est vrai que le XVIe siècle avec ses guerres de religion, les XVIIe et XVIIIe siècles avec le début de la pensée athée basée sur la science, le XIXe avec ses bouleversements politiques et les espoirs suscités en matière de paradis terrestre par le début de la révolution industrielle et le XXe siècle entièrement tourné vers l’espoir du développement énergétique n’ont pas été des terreaux favorables à un réveil spirituel de la population.

André Malraux aurait dit : « Le vingtième-et-unième siècle sera spirituel ou ne sera pas. ».
Et effectivement, la déception est grande dans tous les domaines où l’humanité avait placé ses espoirs d’un développement favorable aux humains. La révolution industrielle censée libérer l’homme de tâches épuisantes l’a finalement fait changer de tortionnaire. La révolution énergétique qui allait fournir à l’humanité les moyens d’un développement porteur d’humanité n’a fait que détruire l’homme et la planète. Les idéologies sociales ont créé de nouveaux maîtres et maintenu les autres en esclavage et les idéologies capitalistes ont remplacé les précédents par de nouveaux dictateurs.

Un siècle de renouveau du Catharisme

Alors oui, le XXIe siècle s’ouvre devant un immense vide. Pas d’espoir énergétique avant au moins cinquante ans, pas de révolution technologique majeure susceptible d’aider l’humanité, la paix gravement menacée par les conséquences du mépris des pays riches pour les pays pauvres, la paix sociale ruinée par l’avidité d’une extrême minorité et l’espoir sanitaire gravement compromis par des conditions de vie de plus en plus difficiles, sans parler de l’épée de Damoclès que fait peser sur notre avenir notre gestion calamiteuse de l’écologie de notre planète.

Devant un tel mur, comment s’étonner que beaucoup se rappellent que la spiritualité offre une sortie « par le haut » ?

Comme Paul qui s’attendait à une fin du monde imminente, comme l’an mil qui laissait entrevoir la seconde parousie christique, les hommes d’aujourd’hui ont l’impression de vivre une fin de cycle, la fin d’une civilisation occidentale qui aura fait plus de mal que de bien. L’attrait pour les spiritualités et philosophies orientales n’a rien de surprenant face au scepticisme que suscite aujourd’hui tout ce qui vient de la civilisation occidentale.

Donc, oui, le temps est favorable à un développement d’un intérêt pour la spiritualité en général et pour celles qui ont fait leurs preuves en particulier.

Aussi, comment s’étonner que le catharisme puisse refleurir aujourd’hui ? Il lui manquait simplement d’être connue à sa juste valeur et cela est désormais fait grâce au travail exceptionnel fourni par les historiens qui, à la suite de Jean Duvernoy, ont su remettre le catharisme dans une voie chrétienne classique face à quelques dérives ésotériques où le cantonnait une méconnaissance de son histoire et des documents issus de ses maîtres à penser.

Par contre, le catharisme n’est pas une spiritualité facile. Sa doctrine qui nous est bien connue désormais montre que les Cathares ont construit à partir de Jean et de Paul, et avec le concours du travail de Marcion, un édifice doctrinal solide et cohérent mais aussi, exigeant et difficile à contourner.

La fin du Catharisme ?

Une particularité du catharisme est sa structure ecclésiale. En effet, s’il est possible d’être croyant cathare isolé, il faut comprendre que le croyant n’a pas les compétences et la formation nécessaire pour être un bon transmetteur de la doctrine. Il la comprend comme il peut et la transmet auréolée le plus souvent d’éléments extérieurs et de conceptions personnelles. Seuls les Bons-Chrétiens qui ont suivi un noviciat et un compagnonnage long et intense peuvent maintenir la doctrine dans ses limites spirituelles cohérentes car ils en comprennent toute la complexité et la portée. Débarrassés de la vanité de leur égo, ils se font les serviteurs de leur foi et la transmettent aux croyants.

C’est pourquoi les Bons-Chrétiens devaient impérativement demeurer à proximité des croyants afin de les soutenir spirituellement et de les encadrer doctrinalement. Cela fut la faiblesse du catharisme dans un monde où la violence inquisitoriale les pourchassait sans cesse et où ils finirent pas tomber, les uns après les autres, dès qu’ils se donnaient à voir pour respecter leur mission.

Sont-ils tous tombés ou certains ont-ils survécu à cette chasse sans fin ? Nul ne peut le savoir car nous avons perdus énormément de documents qui auraient pu nous informer. Beaucoup sont tombés sans que la mémoire de leur vie ait perduré et, sans doute, quelques uns ont pu échapper et se retrouver dans l’isolement, mais alors c’est leur mission sacerdotale qui est morte. Au total, la disparition des dernières communautés en Bosnie a signé la fin de l’Église cathare constituée. Ce qui ne veut pas dire la fin de la pensée spirituelle et doctrinale qui se sont maintenu, tant bien que mal, au fil des siècles pour nous parvenir, le plus souvent par bribes altérées et enchâssées dans des éléments païens ou catholiques du fait de croyants ayant perdus leurs soutiens doctrinaux.

Comme le ruisseau disparu sous la terre qui réapparaît plusieurs kilomètres plus loin, bien malin celui qui peut dire s’il est parfaitement conforme à sa sortie à ce qu’il était auparavant ou bien s’il a connu des mélanges avec des sources différentes ou des pollutions diverses. C’est son étude à la lumière de l’original qui pourra donner la réponse. Encore faut-il se donner le mal d’étudier sérieusement cet original.

Le Catharisme aujourd’hui

Je ne parlerai pas de l’usage commercial, touristique et politique du terme Cathare, tant il marque le mépris et l’imbécillité de ceux qui en usent et en abusent. Les mêmes qui, souvent, sont les premiers à brandir des drapeaux régionalistes au nom du respect de l’histoire. Qui imaginerait des anti-corrida attablés devant un steak fumant ? Et bien ces prétendus défenseurs de l’identité eux, n’ont pas peur du paradoxe et du ridicule.

Les pseudo-cathares

Vous l’avez sans doute compris, ce terme s’adresse à ceux qui font du catharisme un argument fallacieux pour soutenir une thèse dont ils pensent sans doute qu’elle ne saurait se valider par elle-même. Ce constat est en soi une condamnation de leur errance.

Le terme cathare en attire plus d’un avec son cortège d’honnêteté, de simplicité et de martyre.

C’est pour cela qu’il est volontiers repris pour singulariser ou « normaliser » des choix spirituels qui se sentent un peu dépourvus dans ces domaines. Certaines sectes qui se cherchent à grand peine une histoire au siècle des lumières, trouvent dans le catharisme une antériorité encore plus grande et espèrent s’en servir pour entrer par effraction dans la famille chrétienne qui ne les reconnaît pas. Alors, elles jouent sur tous les ressorts de la sémantique pour essayer de calquer leur discours sur quelques éléments supposés cathares et elles inventent ce qu’elles n’ont pas pris la peine d’étudier afin de créer une doctrine sur mesure, au risque d’être en total contrepied avec le catharisme authentique. En effet, la vie évangélique cathare est gênante, mais la théorie pose également problème. Alors, le plus simple est d’affubler n’importe quelle « spiritualité » de l’adjectif cathare et d’accuser ceux qui défendent la doctrine originelle de n’avoir rien compris car le catharisme du Moyen Âge est logiquement sans rapport avec celui d’aujourd’hui.

Ces pseudo-cathares ont juste oublié l’essentiel. Le catharisme n’est rien d’autre qu’un christianisme. Or, le christianisme repose sur des bases immuables. La voie choisie par les Cathares peut plaire ou gêner, elle n’en reste pas moins originale.

Franchement, je n’ai pas envie de m’étendre davantage sur ces choix qui n’ont rien de cathares et que j’aurais l’impression de valoriser en les détaillant davantage. Chacun est libre de préférer telle ou telle voie spirituelle, voire de désirer en créer une nouvelle, mais alors il faut avoir le courage de l’affirmer et éviter de se déshonorer en se servant sur le cadavre cathare afin de se couvrir d’une peau d’agneau quand on a l’esprit du loup.

Les néo-cathares

Il y a ceux qui envisagent de poursuivre le travail doctrinal des Cathares médiévaux, à condition de pouvoir « adapter » le catharisme à un mode de vie dont ils ne peuvent envisager de se séparer.
Cela rappelle la démarche des philosophes latins qui ont remis au goût du jour les philosophies grecques en en écartant prudemment la partie la moins agréable, la vie philosophique quotidienne.
De même aujourd’hui, la vie évangélique n’attire pas grand monde, surtout avec les concepts de non-violence alimentaire, d’ascèse, d’abstinence sexuelle et de pauvreté laborieuse.

Et donc, le terme de néo-cathare s’est mis à fleurir, à croître et embellir. Le catharisme intellectuel sans la pratique tellement contraignante à première vue.

Ces personnes ont simplement oublié l’éveil. Ce qui transforme une contrainte en une libération c’est l’éveil. Et l’on peut dire que cela devrait même être un critère d’auto-évaluation. Certes, les temps peuvent sembler peu propices à la résurgence d’un catharisme authentique, car notre monde vire doucement de la laïcité à l’athéisme et se donner à voir comme croyant engagé est de nature à poser de nombreux problèmes. En outre, l’approche strictement intellectuelle est beaucoup plus facile en cela qu’elle correspond à cette recherche des hommes et femmes de notre temps qui sont prêts à explorer des spiritualités lointaines ou exotiques sans renier leur vie moderne.

Mais le catharisme n’est pas une religion de demi-mesures. Comme la philosophie grecque il est un tout unique où la spiritualité ne peut exister que si elle s’inscrit dans la vie quotidienne. Certes, les croyants médiévaux n’étaient pas dans leur vie des parangons de vertu, mais ils apprenaient au contact des Bons-Chrétiens à se créer une morale de plus en plus précise et avaient en tête leur devenir, c’est-à-dire la volonté de tout mettre en œuvre pour faire leur bonne fin. Un néo-cathare n’est pas dans cette démarche. Sa bonne fin il ne l’envisage pas puisqu’il ne fait rien pour en créer les conditions de réalisation. Il est un peu à la manière de certains Judéo-chrétien en attente de la bonne volonté divine qui le sauvera sans qu’il ait jamais rien fait pour se mettre en condition d’être sauvé. En fait, un néo-cathare est soit un croyant qui cherche à se cacher une vérité qui le dérange : on ne peut avancer dans le catharisme que vers l’objectif de recevoir sa Consolation avant de mourir. Le plus souvent, ce sont des personnes qui connaissent le sujet, mais qui n’ont pas reçu l’éveil. Aussi, ont-elles développé une vision presque fantasmagorique du catharisme qu’elles imaginent à l’aune de ce qu’elles veulent bien y mettre. Mais, comme je l’écrivais plus haut, c’est l’éveil qui fait la différence. Une fois éveillé — et même si les conditions ne le permettent pas dans l’instant —, l’objectif de tout croyant est de construire une Église dotée de Bons-Chrétiens qui lui offrira l’accueil dont il ressent le besoin sans pouvoir le satisfaire.

Le catharisme, spiritualité de droiture

Le catharisme n’est pas une idéologie soluble dans les contradictions et les lâchetés de notre siècle.
Il est une école de rigueur et de constance. Les Cathares se reconnaîtront à leur capacité de poursuivre l’entreprise de connaissance doctrinale et de mise en place d’une vie évangélique basée sur cette doctrine et non pas dans un traficotage honteux visant à adapter une spiritualité à un petit confort dont on ne veut surtout pas se départir.
C’est pourquoi les Cathares d’aujourd’hui ne doivent pas avoir peur d’afficher cette dénomination. Le catharisme d’aujourd’hui ne peut pas être un néo-catharisme, car le catharisme n’étant pas figé dans un dogme, il ne fait que poursuivre sur la voie de l’évolution doctrinale et pratique qui a toujours été la marque de fabrique de ce christianisme.

Jésus offrait le choix au jeune homme d’être un simple observateur de la loi de ses pères ou de devenir un vrai pratiquant de la foi en le suivant. Ce choix reste ouvert aujourd’hui. Mais, à l’instar du jeune homme, que ceux qui refusent l’invitation du Christ aient au moins la pudeur de ne pas le dépouiller de sa tunique.

Il est possible d’être croyant cathare aujourd’hui, mais ce n’est pas un choix passif. Le croyant, qui se reconnaît comme tel quand il a acquis l’évidence de la validité du choix des Bons-Chrétiens par une formation solide auprès de ses pairs, n’a plus qu’un seul objectif spirituel, œuvrer de toutes ses forces à la remise en place de l’Église cathare afin de pouvoir disposer à temps d’un encadrement de Bons-Chrétiens qui pourront le guider vers sa bonne fin. Quiconque n’a pas cet objectif solidement ancré en lui n’est tout simplement pas un croyant cathare.
Le croyant cathare a aussi la certitude que le catharisme est autre chose qu’une simple école de pensée philosophique. Il voit dans les novices et les Bons-Chrétiens, outre des guides spirituels, l’image vivante de Christ, c’est-à-dire la personnification du détachement mondain qui signe la mort de l’homme ancien et sa résurrection en Christ, c’est-à-dire en homme nouveau où l’esprit saint prisonnier a pris le pas sur la tunique de chair imposée par le démiurge. Par conséquent, il ne sépare pas la voie spirituelle et la voie temporelle.

C’est à chacun de se déterminer en fonction de son avancement. Personne ne peut vous dire ce que vous êtes, mais une fois fait cet examen de conscience, assumez-le plutôt que de vous cacher derrière de faux semblants qui ne peuvent que nuire à votre cheminement personnel. Être Cathare n’a rien d’exceptionnel, quoi qu’en dise l’histoire, c’est simplement un choix de vie en ce monde et il n’y a rien de déshonorant à ne pas l’être. Ce qui importe c’est d’être en accord avec son moi profond.

Éric Delmas, 05 septembre 2017.

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