La vraie lutte des pacifiques

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La vraie lutte des pacifiques

Si j’ai choisi ce titre quelque peu provocateur c’est que le sujet me semble particulièrement grave.
En effet, comme nous le verrons, le problème que je souhaite soulever concerne la nature profonde de notre humanité et explique combien il est difficile, même aux plus méritant d’entre-nous, d’y échapper.C’est donc bien à une lutte qu’il faut se livrer, car la faiblesse en ce domaine fait la victoire du Mal.

Les données du problème

Le standard du comportement humain est d’éviter tout ce qui peut provoquer de l’inconfort ou de la douleur. La stabilité est conforme à ce principe car elle représente un état d’équilibre à partir duquel les opposés s’équilibrent et annulent quasiment les forces qui les opposent et les contraintes qui en résultent.
Cette analyse se vérifie dans tous les domaines.
S’il est aisé de le comprendre dans le domaine physique, il est plus compliqué de l’aborder dans le domaine métaphysique et spirituel.
Toujours en gardant la référence physique, il est aisé de comprendre que cet équilibre, s’il est ressenti comme un confort est aussi la cause du plus grand problème que l’homme puisse connaître, l’immobilisme.
C’est en prenant le risque de rompre l’équilibre de la stabilité que les savants aussi bien que les hommes du commun ont pu faire avancer l’humanité.
Pour y parvenir, ils durent lutter contre des puissances qui souvent les dépassaient à la seule force de leur conviction et au mépris de leur confort et parfois de leur vie.
Nous connaissons tous l’histoire des Galilée, Giordano Bruno, Lavoisier et tant d’autres que je ne saurais citer dans ce document tant ils sont nombreux. Certains se sont reniés, d’autres sont morts, d’autres furent discrédités et sont tombés dans l’oubli avant que leur travail fut repris par des larrons avisés.
Sans eux nous serions encore dans nos arbres à attendre de la divine providence qu’elle améliore le confort précaire de notre situation. « Back to the trees ! » s’exclamait l’oncle du héros de « Pourquoi j’ai mangé mon père » de Roy Lewis. Comme lui, ils furent nombreux ceux qui voulurent empêcher que l’on mis à mal la sacro-sainte stabilité du conformisme ambiant.
Sur le plan spirituel, on observe les mêmes comportements. Dès qu’une idée spirituelle devient majoritaire, les réformateurs qui l’ont portée deviennent des conservateurs qui refusent qu’on continue à la faire progresser.
Face aux disciples sous la coupe de Jacques le mineur, frère de Jésus et juif orthodoxe, Paul a eu les plus grandes difficultés à faire admettre que le message christique dépassait le cadre juif.
Face aux chrétiens de Rome, Marcion échoua à faire admettre le divorce nécessaire entre christianisme et judaïsme.
Face au reniement spirituel du christianisme constantinien et théodosien, les chrétiens de tous les courants déclarés hérétiques payèrent le prix fort leur désir d’évolution.
Et de nos jours il en va de même. La stabilité est considérée comme seule valeur immuable et le désir de réforme est suspect d’office.

La stabilité est-elle chrétienne ?

La stabilité est ce que notre mondanité recherche, car faute de savoir où est la vérité et de peur que la recherche lui démontre que ses choix sont erronés, la mondanité préfère un équilibre basé sur de fausses données plutôt que de s’avancer vers la lumière, comme le prisonnier de la caverne de Platon qui refuse de rejoindre la lumière libératrice.
Le chrétien saint que la mondanité est maléfique et que sa mission est de s’approcher au plus près de la vérité spirituelle pour mieux pouvoir s’émanciper de ce monde malin à la mort de son corps. Le chrétien ne peut donc pas ignorer que la stabilité est un ennemi plus insidieux encore que la sensualité. En effet, cet ennemi avance masqué et feint de vouloir le bien de l’esprit quand il veut sa ruine.
Les évangiles le disent bien que le Christ n’est pas venu apporter la paix, la stabilité et le confort.
Certes il ne s’agit pas d’apporter la violence chez les autres, mais chez celui qui veut suivre la voie chrétienne.
Car il est violent de se séparer de ce qui constitue les repères naturels d’un monde plusieurs fois millénaire.
Ne plus considérer ses rapports à l’autre selon les critères sociaux habituels, ne plus considérer la valeur de l’autre selon les critères financiers et politiques habituels, ne plus considérer les références scripturaires selon les critères d’ancienneté habituels.
Que de révolutions, que de douleur !
Il faut se résoudre à accepter qu’être chrétien est un choix inconfortable qui doit nous pousser sans cesse à dédaigner l’attitude qui nous semble la plus confortable au profit de celle qui nous paraît la plus désagréable.

Doctrine ou dogme ?

Le christianisme, à l’instar d’une philosophie grecque, est à la fois choix de vie mondaine et spiritualité doctrinale qui se soutiennent et se renforcent l’une l’autre.
Aucun de ces deux versants n’est à l’abri de la menace que fait peser la tentation de la stabilité.
À chaque fois qu’un choix est proposé à un moment donné, les disciples de l’initiateur ont tendance à vouloir en faire une règle intangible, un dogme, afin de poser une base solide avant d’envisager un nouveau pas.
Sur son lit de mort, même Marcion dut insister auprès de ses disciples afin qu’ils poursuivent leurs recherches, même si cela devait les amener à invalider certaines des directions qu’il avait suivi de son vivant. Quelle clairvoyance et quelle grandeur !
Aujourd’hui comme hier, nous avons tendance à vouloir sacraliser des textes écrits de main d’homme, à vouloir nous affranchir de tout effort de recherche au seul bénéfice du concept de vie chrétienne. Comme si l’on pouvait avancer sur une seule jambe ; à vouloir trouver de la sécurité et de la stabilité dans un monde dont le créateur même est néant et chaos on ne peut qu’échouer.
Alors, il est temps pour nous de garder à l’esprit que nous ne sommes pas dans la création divine où tout nous pousserait vers le Bien.
Dans ce monde, la stabilité c’est le Mal, l’immobilisme c’est le Mal, le repos c’est le Mal.
Comme le disaient nos grand-mères, l’oisiveté est la mère de tous les vices.
Cessons d’essayer d’adapter des documents anciens, à l’authenticité souvent douteuse, toujours réalisés pour des hommes d’une culture et d’une époque qui ne sont plus les nôtres, et travaillons à la réalisation de nos documents authentiques d’aujourd’hui, pour des chrétiens d’aujourd’hui vivant ici et maintenant.
Car la seule stabilité qui vaille est celle qui est étrangère à ce monde et à cette création, c’est la stabilité de l’esprit saint, seule référence valable qui peut nous guider dans la tâche qui nous incombe.
Commençons à réfléchir à des éléments doctrinaux confirmés et sans cesse remis en question, en attendant que les plus engagés d’entre-nous, guidés par une vie aussi chrétienne que possible, puissent venir les affiner et les perfectionner.
Rappelons-nous que l’effort doit être constant, comme l’était celui des bons chrétiens qui ne s’accordaient qu’un minimum de répit, chichement octroyé à un corps pourtant déjà en grande partie dompté par une ascèse sans faille ou presque.
Rappelons-nous que le confort dans lequel nous nous vautrons est le principal instigateur des réserves que nous formulons à toute velléité d’évolution concernant la doctrine que beaucoup voudraient voir dogmatiser pour calmer leurs angoisses.

Humilité, travail et doute

Ce sont, j’en suis sûr — bien que piètre pratiquant — les qualités essentielles à développer pour nous qui recherchons cette porte étroite susceptible de nous mener au chemin de notre salut.
Humilité face à ce que nous croyons savoir et face aux compétences dont nous nous croyons capables, travail incessant dans la recherche d’idées et de réponses susceptibles d’éclaircir les moyens d’atteindre cette porte et doute à chacun des pas que nous faisons et qui est en mesure de nous précipiter sur l’autoroute de l’erreur si attirante par ses lumières et sa facilité.
L’humilité viendra au fur et à mesure que nous avancerons et que nous saisirons à quel point nous sommes éloignés de l’objectif visé.
Le travail reste le maître-mot et ne doit pas limiter à éléments de détail. C’est tout le travail qui est à faire et refaire puisque nous partons de presque rien. La tâche est immense et les bonnes volontés rares. La dispersion est notre pire ennemie et les confrontations avec d’autres courants de pensée ne sont que des pertes de temps car le but n’est pas de convaincre mais d’informer. Chacun reste libre de ses choix et s’il y a plusieurs demeures dans la maison du Père personne ne peut prétendre posséder les clés de la bonne.
Le doute doit être notre compagnon de chemin car la seule certitude que nous avons le droit d’accepter est celle que nous a laissé le messager du bon principe.
Nous sommes issus de la bonne création et nous y retournerons. Il ne tient qu’à nous d’accomplir notre destin en agissant au mieux pour réduire la durée de notre exil.

Quelle lutte magnifique à mener pour les pacifistes que nous sommes !

Éric Delmas – 07/08/2010

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