Le mythe de l’unicorne

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Le mythe de l’unicorne

Le roman de Barlaam et Josaphat

la parolle de l’unicorne contre ceulz qui ayment le seicle. (Illustration de la BNF)

Le bestiaire médiéval est plein d’animaux merveilleux. L’unicorne — plus connu aujourd’hui sous le nom de licorne — en est un chargé de mystère.Il semblerait que les cathares auraient utilisé une légende en rapport avec cet animal dans leur enseignement.
Cette légende est tirée d’un document très apprécié à l’époque médiévale qui relate l’histoire de Josaphat et de son maître à penser, le sage Barlaam.

L’histoire de Barlaam

Avant de détailler ce mythe, un petit rappel de l’histoire de Josaphat.
Il était fils d’un roi d’Inde, Abenner ou Avenier, qui persécutait l’église chrétienne fondée par Saint Thomas. Aprennant que son fils, Josaphat, allait devenir chrétien dans l’avenir, il l’enferma.
Cependant, Josaphat parvint à s’enfuir et rejoignit un saint homme, vivant en ermite, Barlaam.
N’ayant pu le faire renoncer à son choix et ayant reçu la grâce lui-même, son père lui abandonna le trône et devint ermite à son tour.
Plus tard, Josaphat abandonna aussi le pouvoir et se retira avec son maître.
Le mythe de l’unicorne est donc une partie de l’enseignement de Barlaam à Josaphat.

Récit du mythe

Dans l’imaginaire médiéval, l’unicorne est à l’opposé de l’image moderne que nous avons de la licorne.
Il est réputé féroce et impossible à attraper. C’est son attirance pour l’odeur des jeunes filles vierges qui permet éventuellement de s’en saisir en en utilisant une comme appât et en le tuant alors qu’il s’est endormi dans son giron.
Cette légende montre déjà comment le fait de céder à la concupiscence et aux plaisirs matériels peut être de nature à mettre en péril celui qui y succombe.
Mais voici l’histoire que les cathares véhiculaient :
« Quand l’homme vit venir vers lui cette bête qui a nom unicorne, il se mit à fuir, craignant d’être dévoré par elle.
Et pendant qu’il courait, il advint qu’il tomba dans une fosse, mais dans sa chute il s’accrocha à un arbre et s’y retint fortement.
Il y a vait dans cette fosse une souche où il appuyait les pieds. Et en considérant sa situation, il vit deux rats, l’un blanc et l’autre noir, qui rongeaient déjà la racine de cet arbre et l’avaient tellement rongée qu’elle était sur le point de céder.
Examinant la profondeur de la fosse, il vit qu’il y avait au fond un dragon au regard farouche qui jetait des flammes par la gueule qu’il tenait ouverte pour le dévorer.
Regardant encore, il s’aperçut que de la souche où il appuyait ses pieds sortaient les têtes de quatre serpents.
Levant les yeux, il vit enfin que de l’arbre auquel il se tenait accroché, dégouttait un filet de miel ; et pour l’amour de la douceur du miel il oubliait tous les maux qui l’environnaient. C’est là l’image de tous ceux qui aiment ce monde.
»

Explication du mythe

Comme le montre ce mythe, l’homme est prêt à tout oublier des périls qui le menacent pour peu qu’il trouve une once de satisfaction malgré sa situation périlleuse.
On pourrait détailler les éléments qui apparaissent les uns après les autres et leur chercher une signification plus précise. L’unicorne étant le Mal qui nous poursuit et nous menace au pied de l’arbre fragile de notre vie dont le destin ronge le fil comme les rats les racines. Et bien sûr, le dragon maléfique qui nous guette du fond de la fosse, sans oublier les serpents, eux aussi réputés fils du Mal, qui annoncent une fin imminente.
Mais le miel de la vie sensuelle obscurcit notre esprit et nous fait oublier ce qui nous menace, nous empêchant ainsi de nous prémunir contre les dangers bien réels qui nous entourent.
Même si ce mythe est tiré d’un récit éminemment judéo-chrétien à la base, il est très facilement adaptable par les cathares.
Car si ce monde est déjà peu aimable pour un catholique, il l’est encore moins pour un cathare.
Or, l’oubli est double pour nous et celui qui nous menace n’est pas forcément celui qui apparaît dans ce texte.
Au-delà de l’oubli des dangers du monde dans les délices sirupeux de la sensualité, c’est l’oubli de la patrie céleste qui nous contraint à demeurer sur cet arbre mal commode de ce monde infernal.
Plus encore que l’homme sur l’arbre de l’enseignement de Josaphat, c’est donc donc l’esprit prisonnier de ce monde que nous devons chercher à délivrer sans nous préoccuper de ce qui pourrait vouloir nous endormir encore plus dans les mensonges de ce monde.

Ce récit nous enseigne également que si nous sommes composés d’une part divine, en ce monde c’est notre part mondaine qui a le dessus car notre part divine est amoindrie par sa prison charnelle. Mais cela est un autre mythe.

 

Éric Delmas – 07/02/2017

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