Libres hérétiques !

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Libres hérétiques !

Introduction

Ce titre a quelque chose du pléonasme. En effet, l’hérétique est celui qui prend la liberté de ne pas suivre la voie bétonnée de la dogmatique imposée par les religions dominantes.

Son choix est ailleurs ; dans la recherche d’une voie singulière, tracée à l’aide de connaissances ou d’intuitions qui ne peuvent qu’étonner et parfois même révolter ceux qui se croyaient sur la seule route possible et qui, en découvrant ces choix différents, sentent quelque peu les contraintes qu’ils ignoraient jusque là d’une voie dogmatique souvent déficiente, comme le chien de la fable sent tout à coup son collier face à la liberté du loup1.

C’est d’ailleurs pour cela que les religions dominantes sont si dépourvues quand elles croisent une hérésie et cela explique aussi le besoin de trouver des systèmes de catalogages faciles quand bien même ils s’avèrent simplistes ou tout simplement faux.
Le but de ce travail est de présenter quelques courants spirituels qui se sont trouvés, tant en terme de période que de localisation, au croisement du marcionisme et du bogomilisme c’est-à-dire, de manière souriante, des sortes de chaînons manquants, ou plus exactement des lignées cousines qui ont pu coexister quelques temps avant de laisser la place au catharisme médiéval, comme le firent les homo néanderthalensis et les homo sapiens à l’orée de l’humanité.

La lignée spirituelle

Une philosophie, religieuse ou pas, ne disparaît pas avec son auteur ou avec son école. À tout moment peut se lever un autre homme qui décidera de lui redonner vigueur et validité. L’histoire humaine fourmille d’exemples qui démontrent ce principe et ceux qui semblent a priori le contredire sont simplement des cas où la résurgence n’a pas encore eu lieu. On le constate aussi malheureusement d’idées que l’on espérait avoir éradiqué en raison du mal qu’elles ont fait à l’humanité voici quelques décennies à peine.
Contrairement aux lignées humaines, le gène de ces philosophies ne peut pas être éradiqué puisqu’il est strictement spirituel. On sourit aujourd’hui à la candeur des affirmations médiévales concernant le maintien d’une lignée apostolique qui n’a pas plus de réalité du côté cathare que catholique. Les soubresauts de l’histoire rendent une filiation directe, d’homme à homme, impossible et même l’église catholique, avec son statut d’Église d’État n’a pu empêcher l’apparition de ruptures maladroitement camouflées quand il aurait bien mieux valu les reconnaître pour s’appuyer sur une autre filiation, la filiation spirituelle.
On prétend dans les registres d’inquisition que Guilhem Bélibaste, conscient de la précarité de son statut spirituel et de son état mondain, aurait rassuré les croyants quant à la possibilité de bénéficier du consolament à l’heure de leur mort via l’assistance d’apôtres spirituels. Les historiens y voient plus un réflexe de survie qu’une fine analyse théologique. Je pense qu’ils ont tort.
En effet, ce que Bélibaste exprimait avec ses mots repose sur deux arguments indiscutables. D’abord, si Dieu et sa création sont éternels et parfaits, donc inaltérables, une simple action mondaine ne saurait être en mesure de rompre un fil par définition incassable. Ce qui relie les esprits à leur origine d’une part, et certainement entre eux également, est au-dessus des pouvoirs du néant d’être qu’est le monde. il ne peut donc y porter durablement atteinte. Ensuite, le premier consolament que reconnaissent les chrétiens n’est rien d’autre que la Pentecôte. Or, cette réception du Saint-Esprit se réalise sans aucun intermédiaire humain et le christ lui-même est absent à ce moment. N’oublions pas de rajouter que le bon chrétien avéré peut chuter et perdre sa dignité. C’est donc la démonstration que cet état n’a rien de magique mais qu’il repose sur quelque chose de plus important qu’une simple continuation biologique. Le Saint-Esprit ne transparaît qu’au travers d’un esprit saint, c’est-à-dire d’un esprit qui — quoique prisonnier d’une enveloppe charnelle — s’est suffisamment affranchi de cette dernière pour être transparent à une manifestation spirituelle. Or, cet état ne requiert qu’une chose de la part de l’esprit saint, une concordance totale entre l’aspiration naturelle à son retour au sein de la création divine et l’attitude qu’il manifeste dans sa prison de chair. C’est quand notre esprit s’impose sans violence à son corps de boue qu’il retrouve suffisamment de sa lumière originelle pour être un vecteur idéal à la transmission de l’Esprit.
Il n’est donc pas étonnant que l’on puisse retrouver dans diverses cultures et spiritualités des êtres ayant atteint cet état. De la même façon, cet état peut s’atteindre en dehors de toute sollicitation et de toute antériorité qui lui aurait servi de filiation.

Les hérésie spirituelles

Ce qui caractérise les hérésies peut se simplifier par le concept de recherche visant à atteindre une connaissance que le dogme officiel ne satisfait pas. De fait, c’est souvent sur la base du rejet d’un élément dogmatique que l’on a vu apparaître des courants de pensée, immédiatement taxés d’hérésie, qui ont fini, soit par s’éteindre de peur de subir une répression, soit par se poursuivre jusqu’à ce que l’approfondissement de la recherche amène à une connaissance qui pouvait conduire à un schisme ou à un retour dans la religion d’origine de ses membres.
Du point de vue des représentants du courant dogmatique ainsi mis en accusation, la réaction fut toujours la même, la stigmatisation parfois poussée jusqu’à l’outrance ridicule d’accusation éhontées et finalement le rejet puisque le dogme ne pouvant souffrir le moindre accroc à sa théorie, ne peut que détruire ou être détruit. Quand l’opposition devient irréductible et que le risque est la destruction du dogme et de l’hérésie (souvent dogmatique elle aussi dans ce cas), la solution tient à une sorte de statut quo que l’on appelle le schisme.
Pour les hérésies non dogmatiques l’avenir est rarement rose à court terme et toujours noir à long terme. Une spiritualité non dogmatique est forte et fragile comme un roseau. Forte car elle peut s’adapter là où d’autres s’effondreraient et fragile car si on veut la faire plier trop fort, elle finit par se détruire. Mais sa racine persiste et repoussera quand les conditions redeviendront favorables.
Sur les centaines d’hérésies qui ont jalonné le développement du christianisme, je me limiterai à une présentation sommaire basée sur les caractères principaux qui furent d’ailleurs combattus lors des conciles œcuméniques. Nul doute que je cherche plus tard à en faire une présentation plus complète et détaillée des principales hérésies.
Si je m’y intéresse c’est qu’elles furent souvent confondues avec le catharisme et que les manifestations de celui-ci furent souvent présentées par ses détracteurs en usant du nom de ces hérésies que l’on peut qualifier de connexes sur certains points.
Il faut dire que le catalogue anti-hérétique des défenseurs du catholicisme et de l’orthodoxie se limitait en général au repérage d’un point de concordance approximative entre deux spiritualités hérétiques pour les fusionner et les combattre simultanément.

Les thèmes récurrents dans les hérésies

Si certaines hérésies furent considérées comme de véritables repoussoirs par les chrétiens orthodoxes catholiques c’est qu’elles ramenaient sans cesse sur le terrain théologique des idées que le dogme n’arrivait pas à imposer définitivement et qui étaient considérées comme essentielles. Ces idées étaient parfois fragiles parce que le dogme en avait figé une approche que les textes sacrés ne permettaient pas de valider sans équivoque.
Le cas le plus emblématique à ce propos est celui de la nature de Jésus-Christ.
L’hérésie la plus connue concernant ce point de doctrine est celle de l’évêque Arius, l’arianisme. Les ariens (ou arianistes) contestaient l’identité de substance entre le Père et le Fils (homoousios en grec) défendue par l’orthodoxie catholique au profit d’une similitude de substance (homoiousios en grec). Ce iota (i grec) de différence est certainement à l’origine de l’expression moderne utilisée pour illustrer la stabilité parfaite d’une situation ou d’un état : « Il n’a pas changé d’un iota ».
Une autre hérésie très célèbre porte sur le fait que Dieu ne serait pas l’unique entité éternelle et qu’une autre permettrait de le disculper du mal existant. Cette approche fut caractérisée par l’hérésie de Manès (Mani chez les orientaux), le manichéisme. Cette religion syncrétique mêlant des éléments chrétiens à des éléments orientaux (mazdéisme, bouddhisme) était considérée comme dangereuse car elle remettait en cause l’unicité et l’omnipotence de Dieu mais ne fut pas à l’origine d’un grand nombre d’autres courants hérétiques tant ses particularités lui étaient propres. Le concile de Nicée, notamment dans sa profession de foi (symbole de Nicée), ne manquera pas de préciser à l’extrême son opposition au manichéisme. Le fait que le cas de Manès fut réglé sur un plan politique et non dans le cadre de l’autorité religieuse comme ce fut le cas d’Arius ou d’Appolinaire de Laodicée par exemple, peut aussi expliquer cette faible diffusion. En fait les accusations de manichéisme permirent de stigmatiser les hérésies qui cherchaient à expliquer le Mal hors de la responsabilité divine car le dogme catholique ne supportait pas le moindre accroc à la notion d’unicité et d’omnipotence divine auxquelles viendra s’ajouter bientôt — sans le moindre support scripturaire — celle d’omniscience.
La crise iconoclaste, du nom de ceux qui voulaient détruire toutes les représentations du christ, de Marie et des saints, va fortement opposer les chrétiens orientaux et les chrétiens occidentaux. Ils voyaient dans la reproduction matérielle un comportement assimilable au paganisme.
C’est à la fin du VIIIe siècle que le culte des images fut finalement admis.
Un cas à part est celui du gnosticisme. D’un côté le concept philosophique de la gnose a largement irrigué le christianisme des premiers siècles, imprégnant plus ou moins les variantes doctrinales constitutives de nombreuses hérésies du manichéisme aux cathares. D’un autre côté, un courant religieux séparé fit de la gnose une fin en soi et lui constitua un panthéon et une doctrine plutôt dogmatique à mon sens à part du courant religieux chrétien. Certes, on peut toujours essayer de transposer les éléments du panthéon gnostique dans celui du panthéon chrétien mais je pense qu’il faut dissocier les apports incontestables de la gnose au christianisme du particularisme du gnosticisme.

Les principales hérésies

Les premiers hérétiques

Il est difficile de préciser avec certitudes quelles furent les premières hérésies. On sait par les Actes des apôtres que Simon le magicien avait tenté d’acheter le pouvoir de réaliser des miracles à Pierre. Est-ce pour autant un chrétien ? Vraisemblablement pas.
Celui qui va venir troubler le nouvel ordre chrétien, c’est Paul de Tarse. En effet, le christianisme naissant — en fait plutôt la secte juive des chrétiens — est sous la direction de Jacques le mineur, frère de Jésus, qui tente me semble-t-il de ramener le troupeau égaré dans le sein de la communauté juive. Or, de part sa révélation sur le chemin de Damas, Paul se considère comme un nouveau disciple du christ — je rappelle qu’il n’a pas connu Jésus —, et se charge de corriger ce qui lui semble une erreur de la voie choisie par Jacques et Pierre. Ce faisant, il s’oppose au noyau des disciples et à Jacques et, à la suite d’un accord passé à Antioche, il va mener sa route vers un christianisme ouvert aux gentils. Même si les tribulations du judaïsme à compter de 70 et jusqu’à 135 vont finir par rompre tout lien avec les chrétiens juifs, il n’en reste pas moins qu’ils étaient les premiers et que la voie suivie par Paul est donc une sorte d’hérésie par rapport à elle. Cependant, on peut aussi se demander si la voie de Jacques le mineur et de Pierre, en s’écartant semble-t-il de celle de Jésus ne fut pas aussi une forme d’hérésie.
Les choses sont plus claires quelques années plus tard avec Marcion. En s’appuyant sur Paul et en rejetant le côté judaïsant du christianisme, il provoque un véritable schisme avec les Pères de l’Église chrétienne du IIe siècle de Rome.
Cependant, on sait aujourd’hui que son église fut vraisemblablement celle qui comptait le plus grand nombre de fidèles et ce jusqu’aux environs du Ve siècle. Donc, et notamment dans les régions orientales, c’est l’orthodoxie catholique qui faisait figure d’hérésie.
Le marcionisme avait en outre l’intérêt de rassembler bon nombre des éléments doctrinaux divergents qui figureront partiellement ou totalement dans les doctrines hérétiques qui vont suivre.

Les hérésies relatives à la nature de Jésus-Christ

Un nombre incroyable de variantes d’appréciation va apparaître alors dans la communauté chrétienne des premiers siècles concernant la substance du christ Jésus qui va varier ou se modifier entre l’état strictement humain et l’état strictement divin. Le débat va d’ailleurs se déplacer ensuite sur le Saint-Esprit et aboutira donc au dogme trinitaire bien connu, qui fait du Père, du Fils et du Saint-Esprit un seul Dieu en trois états. Ceux qui rejettent cette conception sont donc dénommés anti-trinitaires (ou unitariens).
L’arianisme, doctrine défendue par l’évêque d’Alexandrie Arius, qui nie l’identité de substance entre le Père et le Fils, donnera lieu à l’éclosion de nombreux courants de pensée ou viendra en confirmer d’autres. L’approche des homoiousiens est comparable à celle des agnoètes qui s’opposent à l’omniscience divine initiale comme les ariens s’opposent à l’omniscience du christ. Les anoméens (disciples d’Aétius) vont encore plus loin en rejetant l’identité de substance entre christ et Dieu, faisant donc du Christ un homme. Les homéens affirment une similitude sans identité de substance. Cela est bien proche de la position des adoptianistes qui voient dans le christ un homme choisi (adopté) par Dieu et divinisé par la suite. De même pour les nestoriens, de l’évêque Nestorius, qui voient en Jésus-Christ deux natures distinctes, une humaine et l’autre divine investissant la première temporairement. C’est en réaction aux nestoriens que sera mis en avant le concept d’hypostase (substance secondaire). À l’inverse les ara considéraient le Christ comme un homme et poussaient la similitude jusqu’à lui faire porter également le poids du péché originel au prétexte que l’humanité ne peut souffrir d’exception. Les tenants de l’unique nature divine, les monophysites et les eutychiens considéraient que la nature divine avait absorbé la nature humaine. Il serait fastidieux de poursuivre ce catalogue des monarchiens ou modalistes. Ce qui importe c’est de comprendre à quel point ils ont pesé dans l’évolution de l’Église chrétienne et, pour certains, persistent à porter leur vision hérétique.
N’oublions pas cependant que les cathares et leurs semblables partageaient également l’idée selon laquelle le christ n’est pas Dieu. On regroupe aussi ceux qui nient la double substance du christ sous le nom de docètes.

Les hérésies relatives à l’unicité de Dieu

Bien entendu, les manichéens occupent une place de choix dans cette catégorie dont ils ont longtemps été considérés comme les chefs de file, et ce dès le IIIe siècle. On peut ranger dans ce type d’hérésie, celles qui attribuent à la matière une co-éternité à Dieu, voire une antériorité d’action sur celle de Dieu, comme c’est le cas des hermogéniens (ou matériaires) et de leurs variantes (aquatiques ou aquaniens qui remplacent la matière par l’eau) ou des groupes issus des disciples d’Hermogène, Hermias (hermatites ou hermiens) et Séleucus (séleuciens). Giordano Bruno tiendra au XVIe siècle un discours assez proche de ces théories.
Les apocharites faisaient de l’âme humaine une partie de Dieu qui participait de son Être. Les isochristes ont une approche similaire entre les saints et le christ.
À l’inverse les sabelliens défendaient l’unicité absolue de Dieu.
Là encore les cathares se distinguaient en affirmant l’unicité de Dieu mais en admettant la réalité d’un élément privé d’Être, co-éternel à Dieu, qu’ils appelaient le Principe mauvais ou le Néant.

Les hérésies niant le statut de Marie mère de Dieu (Théotokos)

Après le Père, le Fils et le Saint-Esprit, il était évident que la suspicion allait porter sur Marie, mère de Jésus. L’idée que le Fils de Dieu ait pu naître du sein d’une femme paraissait impensable à certains chrétiens. Les nestoriens étaient de ceux-là qui dissociaient donc le christ de Jésus afin de ne pas souiller le premier par l’idée de son enfantement.
Bien entendu les cathares partageaient cette approche puisque pour eux, le christ n’était pas né de la vierge Marie puisqu’il n’avait pris qu’une apparence humaine matérielle. Marie était parfois considérée comme un esprit angélique chargé de faciliter la mission christique.

Les hérésies issues ou se servant de la gnose

Il est très compliqué de traiter ce sujet car il est à la fois vague et universel. Si l’on considère comme gnostique toute spiritualité qui appuie le développement spirituel de ses adeptes sur un éveil à une connaissance acquise ou spontanée, on peut dire qu’excepté la plupart des judéo-chrétiens, des juifs et des musulmans, qui se basent sur un credo et des dogmes admis sans réflexion, toutes les autres spiritualités sont gnostiques. Mais, là aussi, le terme de gnose sert souvent de repoussoir comme le fut, au Moyen Âge, celui de sorcière, de magicien ou d’alchimiste. Les opposants de la gnose la voit le plus souvent comme un enseignement caché, réservé à une élite et excluant les autres. Cela est vrai pour son expression la plus complète, le gnosticisme. Mais bien des hérésies chrétiennes ont accepté la logique de certains éléments gnostiques sans suivre toutes les voies du gnosticisme.
J’aurai tendance à considérer qu’il y a une imprégnation gnostique variable dans les hérésies chrétiennes qui va décroissante du manichéisme au catharisme. Ce dernier me semble le moins gnostique des courants chrétiens, les judéo-chrétiens exceptés, car ses références à la gnose se limitent à l’éveil individuel qui se base entre-autre sur une connaissance acquise de façon exotérique d’abord, avant de devenir ésotérique quand le sujet est capable de comprendre directement des notions complexes. Il n’y a là aucun secret mais simplement une évolution dans une formation.
Alors certes, certains courants furent imprégnés fortement par la gnose ; on peut citer entre-autre les valentiniens (de l’évêque Valentin), certainement les adeptes de Bardesane lui-même considéré comme valentinien, les basilidiens, les carpocratiens (ou carpocrates), les cérinthiens (une hérésie contemporaine des apôtres), les euchites ou messaliens, les mandéens et les ophites (ou séthiens) pour ne citer que les principales.
À l’inverse, on connaît une hérésie qui combattait la connaissance, les gnosimaques, hérétiques du VIIe siècle qui considéraient que seules les bonnes œuvres valaient face à Dieu et qui rejetaient toute science religieuse ou autre.

Les autres hérésies célèbres

Comment les classer ? Je vais me limiter à celles avec lesquelles le catharisme partage certaines approches doctrinales, soit qu’il s’en soit inspiré, soit qu’elles se soient inspirées du marcionisme ou de toute hérésie que l’on peut considérer comme dans la lignée du catharisme.
Les hérésies pratiquant une approche ascétique de la vie se rapprochent de la vie évangélique des apôtres. Certaines le font avec excès, d’autres de façon plus modérée, comme les cathares : les apostoliques (ou apotactiques) qui réapparaîtront au Moyen Âge sous la forme des dolciniens, les encratites, dans leurs excès ascétiques les montanistes peuvent aussi se rapprocher de cette catégorie ainsi que les sévériens.
Certaines hérésies considéraient que l’indignité d’un ministre du culte entraînait automatiquement celle de son ministère. On trouve cette notion chez les cathares qui se faisaient re-consoler quand un évêque les ayant consolé antérieurement s’avérait avoir fauté depuis. La secte la plus connue en ce domaine est celle des donatistes.
Le culte des images a longtemps divisé le christianisme orthodoxe catholique. Les cathares ne l’approuvaient pas comme cette secte qui donna son nom au concept lui-même, les iconoclastes.
Les cathares partageaient également avec les pélagiens la notion d’innocence de l’homme envers tout péché originel.

Conclusion

On le voit, les hérésies furent variées et souvent caractérisées par une divergence unique avec la voie orthodoxe du catholicisme antique et médiéval. Certaines construisirent une doctrine plus divergente et des rapprochements doctrinaux peuvent se faire entre plusieurs.
Le catharisme est de celles qui semblent avoir su construire une doctrine très différente de celle des catholiques en étudiant et retenant des éléments doctrinaux divers que l’on trouve dans un grand nombre d’hérésies anciennes ou contemporaines de leur époque. En fait, il semble qu’elle soit l’héritière et la prolongatrice d’une construction doctrinale que l’on trouve depuis Paul, chez les marcionites et en partie au moins chez les pauliciens et les messaliens qui ont voisiné géographiquement avec les bogomiles, autres proches des cathares.
Sans prétendre avoir trouvé une filiation démontrée au plan historique, il est impossible de nier les très fortes convergences doctrinales de ces groupes d’hérétiques dont la maîtrise exégétique explique pourquoi l’Église chrétienne officielle n’a pas hésité à les exterminer.
En effet, rien n’est pire pour un pouvoir temporel qui prétend aussi régenter les esprits que d’avoir en face de lui des chercheurs spirituels qui déroulent une doctrine claire, simple et précise qui rappelle que l’homme est un esprit appelé à se libérer de sa condition misérable. Combien ils sont apparus haïssables, ces libres hérétiques !

Éric Delmas, 26/09/2010


1 Le chien et le loup. Jean de la Fontaine (Fables)

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