Définir le Catharisme d’aujourd’hui

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Définir le catharisme d’aujourd’hui

Qu’est-ce que le catharisme ?

Cette question peut en surprendre plus d’un, émanant d’une personne qui mène des recherches approfondies sur le sujet depuis douze ans et qui vit depuis deux ans et demi comme un novice cathare.Pourtant elle n’est pas anodine.

En effet, si le catharisme médiéval nous est de mieux en mieux connu, si sa structuration était indubitablement celle d’une Église au sens commun du terme, si ses pratiquants — les Bons-Chrétiens — étaient organisés comme n’importe quelle confrérie religieuse et étaient considérés comme tels par leurs croyants, sans parler de leurs opposants catholiques de l’époque, peut-on extrapoler aujourd’hui cette organisation pour dire que les mêmes appellations et considérations s’appliquent encore à lui ?

Comme je vais essayer de l’étudier devant vous, nous allons voir que le catharisme aujourd’hui se reflète de façon extrêmement variée dans les yeux de ceux qui l’observent avec le filtre de la considération du phénomène religieux qui a cours au 21e siècle.

Quelques définitions

Impossible de raisonner conjointement sans poser d’abord les bases sémantiques qui s’imposent.

Le premier terme à bien définir est celui de religion. Une religion est une approche spirituelle qui réunit les individus qui la reconnaissent et la pratiquent. Ce terme tire son nom du latin religo, qui signifie attacher, lier et religio, qui signifie avoir du scrupule. Il s’agit donc d’une pratique scrupuleuse qui relie, attache, des gens qui la partagent. Il faut donc, pour qu’il y ait religion, que l’on puisse définir un lien entre ceux qui ont une pratique faisant état de la même observance scrupuleuse d’une spiritualité.

La spiritualité est donc à différencier de la religion. Là où la religion exige plusieurs personnes réunies, la spiritualité est individuelle. La spiritualité est une aspiration religieuse qui amène à considérer des éléments intellectuels et pratiques comme justifiés, voire nécessaires, à la manifestation de la foi ressentie.

La foi est, comme l’indique sa source latine fides, la confiance que l’on place en une conception intellectuelle relative à une entité transcendante que l’on place au-dessus de toute chose.
Quand cette foi, qui a donné lieu à une approche spirituelle, aboutit à rassembler des personnes au sein d’une religion, comment peut-on nommer ce rassemblement ?

On constate qu’il existe plusieurs termes pour cela. Est-ce pure conjecture ou bien y a-t-il moyen de déterminer un usage précis à chacun de ces termes ?

La communauté religieuse est un terme employé pour désigner des personnes attachées à la même religion quelle qu’en soit la position et la pratique. C’est un terme vague qui va donner lieu à des précisions.

La communauté spirituelle ou ecclésia est un ensemble regroupant des personnes qui partagent la même foi. Il s’agit essentiellement des croyants, mais le catharisme introduit une nuance dans ce terme. Alors que les autres religions se contentent de demander à un croyant d’affirmer sa foi, dans le catharisme le croyant a reçu l’éveil, c’est-à-dire qu’un événement spirituel s’est produit en lui — une révélation — qui l’a convaincu que cette foi était la seule possible pour lui. Donc, par extension, on admet généralement dans la communauté spirituelle des sympathisants avancés, qui ne partagent aucune autre foi, mais qui n’ont pas encore reçu l’éveil, même si l’on peut facilement imaginer qu’ils le recevront bientôt pour peu que leur engagement intellectuel et spirituel soit sincère.

La communauté évangélique se distingue par le fait que ses membres vivent de la manière évangélique que pratiquaient les cathares du Moyen Âge, c’est-à-dire regroupés en maison cathare.

Si le terme Église tire son nom du latin ecclésia que nous avons vu plus haut, il est doté de deux acceptions un peu différentes. Certes, il s’agit bien d’une communauté spirituelle pratiquant la même conception religieuse, mais il s’agit aussi d’un statut juridique et administratif particulier. Ne la confondons pas avec le bâtiment catholique qui sert de lieu de culte : l’église.

L’Église à notre époque

La France a une particularité unique à la date d’aujourd’hui, d’avoir organisé en son sein la séparation de l’Église et de l’État, créant de ce fait une notion particulière que l’on appelle la laïcité. Cette séparation s’est faite dans la violence et a provoqué un profond clivage au sein de la population qui se manifeste encore de nos jours par des positions extrémistes des deux bords. En effet, selon les périodes, certains religieux tentent d’imposer leurs vues afin d’infléchir la conception de laïcité à leur avantage et à d’autres, ce sont les athées qui font de même.
Les modérés, désireux de voir respectés les choix des uns et des autres sont souvent pris en otages dans ces luttes. J’ai déjà étudié la laïcité dans deux autres textes, aussi je n’y reviendrai pas ici.

Dans le cadre de la loi de séparation de l’Église et de l’État, dite loi de 1905, est proposé un statut spécifique pour les associations dont l’objectif est une pratique religieuse exclusive. Contrairement aux associations déclarées, qui relève de la loi de 1901, l’association cultuelle a, comme son nom l’indique, comme seul objet d’organiser des cultes. Cependant, la loi prévoit que ce qui s’avère nécessaire à l’organisation des cultes soit prévu et couvert par cette loi, c’est-à-dire la prise en charge des officiants (ministres du culte), de leur formation et des locaux les accueillant et de ceux où se déroulent les cultes. Dans ce cadre très restrictif, la loi accorde des avantages non négligeables à ces associations, comme le droit de recevoir des dons notariés et des legs et l’exonération de taxe foncière pour les bâtiments cités ci-dessus. En contrepartie, ces associations sont soumises à des obligations. Prouver qu’elles sont représentatives de la communauté sociale où elles exercent et faire preuve d’une totale transparence financière. La représentativité minimale est imposé par un quota de membres déclarés et nommément désignés en fonction du nombre d’habitants de la zone géographique considérée. La transparence financière exige de faire vérifier et de publier les comptes.

Mais quand on parle d’Église de façon plus générale, c’est la structure de la communauté ecclésiale qui est désignée, avec comme référence celle du culte catholique. Or, cette institution a pris, au cours des siècles, des positions religieuses et politiques qui ont fortement altéré son image chez beaucoup. De ce fait, ce terme tend à provoquer un rejet quasi systématique, mais il faut surmonter cela car il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. En effet, si vous perdez un proche dans un accident de voiture, vous ne considérerez pas systématiquement la voiture comme un instrument mortifère. Par contre, vous serez plus prudent quant à son usage et à ceux à qui vous vous confiez quand ils vous proposeront de vous emmener.

Que dire du catharisme aujourd’hui ?

Bien des gens se sont intéressés au catharisme au cours des siècles et s’y intéressent encore aujourd’hui sans pour autant avoir la même vision de ce qu’il est.
Ainsi certains n’y voient qu’un corps mort que l’on dissèque à l’envi, mais dont la forme d’apparition médiévale ne saurait laisser imaginer une quelconque résurgence moderne. Et encore je ne parle pas ici de ceux qui essaient de prétendre à sa non-existence !
Il en est qui n’y voient qu’une sorte de philosophie non violente, n’en retenant que les principes spirituels sans tenir compte de la pratique rituelle et sacramentelle.
D’autres considèrent que cette religion n’est plus adaptée aux hommes de notre époque et que l’on doit s’en tenir à une pratique spirituelle intellectuelle et individuelle.
En fait, bien peu nombreux sont ceux qui pensent que le catharisme a toujours sa place dans notre société ; mais il y en a !

Les historiens qui s’abstiennent volontairement et vigoureusement de chercher à comprendre les racines et l’origine du catharisme, ne peuvent d’évidence l’imaginer se remettre en ordre de marche aujourd’hui. Comme le chimpanzé voyant son reflet dans un miroir va considérer qu’il est en face d’un congénère, faute d’avoir la maturité intellectuelle suffisante pour comprendre ce qu’il voit, ils sont partiellement aveuglés par les limites qu’ils s’imposent au nom d’une prétendue objectivité qui n’existe que dans leur conception autocentrée de leur exercice professionnel.

Nombreux sont ceux qui ne retiennent du catharisme que quelques principes à intégrer, éventuellement, dans une morale personnelle ou à utiliser comme étendard d’un monde plus tolérant et respectueux de tous. Je comprends cela, mais je ne peux m’empêcher de leur rappeler que cette vision minimaliste est à des années-lumière du catharisme médiéval. De là à penser que cette approche signe une profonde méconnaissance du catharisme, il n’y a qu’un pas que je franchis aisément.

La troisième catégorie fait florès. De grands noms en ont fait partie, comme Déodat Roche ou Yves Maris par exemple. Est-ce pour autant le signe que cette approche est la bonne ? Je ne le crois pas.

En effet, si les cathares avaient raison — et c’est le point de vue de ceux qui partagent leur foi —, comment imaginer que leur religion serait adaptée à une forme d’incarnation des esprits saints prisonniers et ne serait pas à une autre ? Soit le catharisme s’adresse à notre être profond, soit il n’a pas de raison d’être. Méconnaître la portée universelle que la doctrine cathare apporte à cette part d’éternité souffrante que nous représentons aujourd’hui, comme l’étaient celles et ceux qui l’ont porté au Moyen Âge, serait incohérent. Ou bien le catharisme est valable tant qu’il restera un esprit saint prisonnier ici-bas, ou bien il ne s’est jamais justifié. Personnellement, je mets cette conception d’une approche purement intellectuelle sur le compte d’un manque d’approfondissement global. À force de regarder le catharisme avec une loupe, on peut en venir à perdre de vue ce qu’il est globalement et profondément.

Et c’est pourquoi j’appartiens résolument à la dernière catégorie ; celle qui pense que le catharisme n’est ni archaïque ni désuet à notre époque. En effet, comparé à l’époque médiévale, peut-on dire que notre siècle n’a plus besoin de Bienveillance, d’égalité, de considération et de spiritualité ? Franchement, à part la sophistication mise dans les moyens de faire souffrir et de tuer l’autre, je ne vois aucune différence entre ces deux périodes.
Non seulement le catharisme nous apporte une compréhension claire et logique de notre monde en notre siècle, mais il nous propose également les moyens de l’analyser et ceux nécessaires pour nous positionner individuellement et collectivement par rapport à lui.

Donc, ne voir le catharisme que par des filtres qui en opacifieraient certains aspects, me semble être une erreur. Certes, le catharisme est une spiritualité qui nous éveille individuellement, mais pas que. Certes, il est aussi une pratique morale et sociale, mais pas que. Certes, il est aussi un moyen de rassembler des porteurs d’une foi identique, mais pas que. Il est tout cela et bien plus encore ; il est l’outil nécessaire pour emprunter et suivre le chemin enseigné par Christ et ainsi atteindre l’objectif de tout croyant : faire sa bonne fin !

Éric Delmas, 20 décembre 2018.

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