Le catharisme « Canada dry »

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Le catharisme « Canada dry »

Voici quelques décennies une boisson sans alcool, de couleur brunâtre, avait basé sa publicité sur le slogan « Il a la couleur de l’alcool, mais ce n’est pas de l’alcool. ».

Si la boisson n’a pas eu un succès planétaire, le slogan est devenu une sorte de référence et s’est appliqué à de nombreuses situations désirant différencier l’original d’une copie, plus ou moins qualitative.
J’ai donc cédé à cette tendance en reprenant ce concept afin de l’appliquer au catharisme.

Catharisme original et copies

Le terme cathare est tellement chargé d’une image positive, à la fois liée à sa doctrine pacifiste et à son histoire de martyr d’une religion sanguinaire, qu’il attire tous ceux qui veulent positiver leur situation sans avoir à démontrer quoi que ce soit. Même si aujourd’hui rares sont ceux qui connaissent correctement le catharisme, tout le monde ou presque en a un peu entendu parler et croit globalement savoir qu’il s’agit de gens, peut-être un peu illuminés, mais pacifiques et sauvagement assassinés.
Du coup on observe trois situations. Ceux qui s’approprient le terme pour améliorer leur image sans prendre la peine ni de se renseigner sur le sujet ni de faire vaguement coïncider leur produit ou service avec le catharisme. Ceux qui cherchent à se fondre partiellement dans le catharisme, soit en proposant quelque chose que l’on pourrait croire acceptable par cette religion, soit en mettant en avant des points de leurs activités qui leur semblent compatibles. Enfin ceux qui essaient de réellement suivre la voie cathare et qui le font avec plus ou moins de bonheur selon que leur compréhension du sujet est plus ou moins maîtrisée.

Le catharisme prétexte

Je passerai rapidement sur l’utilisation du catharisme dans le domaine commercial par des gens, le plus souvent ignorants du sujet, désireux de coller à une image régionale ou de se distinguer des concurrents. C’est le cas des restaurants cathares dont certains poussent la bêtise jusqu’à affubler le titre de leur auberge de qualificatifs rendant encore plus ridicule, si c’est possible, le choix initial. La gastronomie cathare voisine avec le cathare gourmand quand ce n’est pas le saucisson cathare. On trouve la même chose dans d’autres domaines sans aucun rapport possible avec le sujet comme le sport où l’on trouve des clubs cathares dans des domaines où la violence est la règle (rugby par exemple) ou des clubs de rencontre à visée festive dont on se demande comment le créateur a réussi à faire le rapport entre fêtes et bombances et catharisme. Certes, le ridicule ne tuant pas, ces enseignes persistent et signent, jusqu’au jour où la connaissance du sujet s’améliorant leur coup de pub se retournera contre eux.
Mais le prétexte cathare peut être également utilisé à des fins moins superficielles et du coup moins comiques. Il se trouve notamment des groupes, plus ou moins spirituels, plus ou moins philosophiques, mais le plus souvent totalement empreints des concepts d’enfermement psychologique qui fait que certains sont toujours considérés comme des sectes, ce qui suffit à les exclure durablement de la sphère cathare. Le mot cathare n’étant pas protégé par un groupe reconnu, comme c’est le cas pour des termes relatifs à d’autres domaines, son usage abusif ne fait jamais l’objet de recours juridiques et seule la connaissance peut permettre de retourner cette appellation abusives contre ses utilisateurs qui, montrés du doigt par une population avertie, comprendront que leur espérance médiatique est contre-productive. Il va sans dire que cette démarche est un non-catharisme.

Le catharisme « Canada dry »

Voilà le fond du sujet. On constate que l’application de l’appellation catharisme sur des courants de pensée, religieuse ou philosophiques, remonte à longtemps et a connu des bonheurs divers.
Pour faire simple, rappelons-nous de Déodat Roché qui, dès l’âge adulte rattacha le catharisme à la pensée théosophique de Rudolf Steiner et fédéra autour de lui de nombreuses personnes ainsi que des moyens de promotion très important pour l’époque. Certes, à la fin de sa vie, il reconnut s’être trompé. Mais ceux qui l’avait suivi, y compris dans son cercle intime, ne changèrent pas d’avis pour autant et furent largement à l’origine de l’apparition de groupes ésotériques qui firent croire à un catharisme non chrétien à la limite du chamanisme.
Après la guerre, le « Mystère Otto Rahn », pour reprendre le titre de l’excellent ouvrage de Christian Bernadac, fut l’occasion pour Antonin Gadal de se dire héritier d’un catharisme largement tourné vers l’ésotérisme, faute de s’appuyer sur des éléments de recherche concrets. En effet, ce monsieur n’hésitait pas pour valider ses thèses à écarter ce qui les contredisait et à valoriser des éléments non fondés qui l’arrangeaient. Paré du titre, largement surfait, de chercheur il fédéra ainsi une communauté toujours active aujourd’hui et soucieuse de ne pas trop se faire remarquer, d’autant qu’elle est associé à un mouvement religieux toujours inscrit au répertoire des sectes accessible sur Internet. Plus récemment et un peu partout dans le monde, se trouvent des groupes effectuant souvent des rapprochements syncrétiques entre des notions apparemment inconciliables, dont le catharisme et qui ne sont pas le moins du monde inquiets d’associer catharisme et templiers, esséniens, manichéens, etc. On trouve aussi des démarches encore plus largement œcuméniques visant à créer une plate forme commune entre les communautés spirituelles des religions du Livre.
Sans porter de jugement sur les choix de ces groupes, car après tout chacun est libre de penser ce qu’il veut, je me borne à rappeler que jamais au grand jamais les cathares n’ont suivi de telles voies. L’usage de leur nom est donc inadapté à ces groupes qui seraient bien mieux fondés à défendre leurs idées ouvertement plutôt qu’à se cacher derrière une appellation qui ne peut que susciter le doute, voire la méfiance quant à leur démarche. J’ai eu l’occasion de traiter de ce sujet sous l’appellation de pseudo-catharisme.

Le néo-catharisme

La philosophie grecque fut la première à connaître ce phénomène. À l’époque romaine, des philosophes décidèrent de reprendre à leur compte les courants philosophiques de la Grèce antique toute proche pour s’en faire les chantres mais sans pour autant s’imposer d’en respecter les critères qui leur semblaient les moins agréables. C’est ainsi que l’on apparaître des néo-pythagoriciens, des néo-platoniciens, etc. qui appliquaient la formule bien pratique du « Faites ce que je dis, pas ce que je fais. ».
Bien entendu, le catharisme ne fait exception. En effet, cette religion tout à fait comparable à la philosophie grecque dans sa construction interne, à savoir une doctrine appuyée sur une vie quotidienne en accord sur tous les points, rencontre les mêmes réticences de la part de ceux qui voudraient bien s’en réclamer sans se sentir pour autant apte à l’appliquer totalement.
Et oui, le catharisme n’est pas moderne et n’est pas particulièrement attractif quand on le regarde de l’extérieur. Si la doctrine peut sembler intéressante, certaines des ses prescriptions font souvent grincer des dents. La non violence absolue par exemple passe mal dans un monde où tout un chacun se croit apte à estimer légitime d’exercer une violence envers ce qui lui semble la mériter. Mais là où le bât blesse le plus, c’est dans la mise en pratique. En effet, le catharisme nécessite une pratique très précise pour qui prétend atteindre son développement le plus important, c’est-à-dire entrer en noviciat au sein d’une maison cathare. En outre, il présente la particularité de dissocier très clairement et radicalement le statut de Chrétien et celui de Croyant. Ce dernier se voit interdire bon nombre de pratiques qui font le quotidien du Chrétien.
Donc, le néo-catharisme devient une option attractive pour qui veut se croire cathare, voire croyant, sans vouloir vivre le catharisme dans sa plénitude spirituelle et pratique. Mais le néo-catharisme n’est pas du catharisme et, à plus d’un titre, il est même de l’anti-catharisme. En effet, si un imitateur incompétent et inconscient de son incompétence peut faire sourire, une personne qui transgresse le catharisme en pleine connaissance de cause inquiète et peine.
Tout d’abord rappelons un élément essentiel de la doctrine catharisme : la prohibition de tout mensonge. Aucune justification ne peut permettre de mentir de quelque façon que ce soit. Faire, en pleine connaissance de cause quelque chose que l’on sait être faux est un mensonge et éloigne donc son pratiquant de la spiritualité dont il veut se rapprocher. C’est bien entendu dans la mise en pratique que l’on observe la montée du mensonge. En effet, plus la connaissance de la pratique montre combien il est difficile à une personne non préparée et non réellement motivée de s’engager en voie cathare, plus la tentation de tricher avec la doctrine et son application que l’on appelle Règle de justice et de vérité, est grande. Cela commence par la consommation de produits d’origine animale obtenus, on l’espère sans trop de violence, en oubliant le précepte « La chair rend la chair orgueilleuse. ». Ensuite on calme l’impatience de voir renaître un catharisme moderne en le mimant, en en faisant une sorte de jeu de rôles. On reconstitue pour un temps, faute de pouvoir faire mieux, une communauté de vie où l’on s’autorise certaines pratiques qui sont autant de mensonges puisque personne n’a le niveau d’éveil requis pour les pratiquer et que tout le monde le sait. D’ailleurs on en profite pour décider que de nos jours certaines pratiques, dont la répétitivité avait une justification très claire, sont trop contraignantes et doivent être réduites pour laisser du temps à une vie moins austère. C’est dramatique car cela conduit de nombreuses personnes sur une voie de perdition alors qu’elles auraient pu cheminer plus sereinement, certes plus lentement aussi, si l’on avait pris le temps nécessaire. Mais, le monde agit en nous et nul n’y échappe. Pas même votre humble interlocuteur. D’ailleurs mon émoi est en quelque sorte une manifestation de cette mondanité. Car, si Dieu voulait que l’éveil soit mené de façon adaptée, il saurait nous en convaincre. Ce qu’il attend de nous c’est un éveil conscient et autonome ; un cheminement comparable à celui du fils prodigue qui doit toucher le fond de son choix vie vain et délétère avant de se donner la motivation et la volonté de revenir à son père en toute humilité. Donc, ces errements, ces vies apparemment perdues, ne sont en fait que des manifestations visibles d’évolutions lentes qui nous rappellent que seul celui qui s’est réellement éveillé peut espérer agir de façon à se mettre en position de mériter son salut, l’heure venue. Le catharisme n’est qu’une des voies du salut et ne peut prétendre être la voie privilégiée.

Pour un catharisme simple et honnête

C’est sans illusion que je termine ce texte, car je sais que la voie que j’ai choisie est une voie sans attrait pour le commun des mortels et qu’elle excessivement austère pour ceux qui pensent être en cheminement sur la voie cathare.
Alors je m’attends effectivement à voir de nombreux avatars, plus ou moins bien ficelés, d’un catharisme rêvé ou simplement copié et à être régulièrement critiqué et moqué, voire considéré comme anachronique dans ma volonté de respecter ceux dont le niveau d’éveil comparé au mien m’interdit aujourd’hui de remettre en cause les comportements que je ne peux comprendre de min point de vue.
Alors je m’attends effectivement à voir fleurir des catharismes divers, des maisons cathares plus ou moins de pacotille, certainement sous peu des Bons Chrétiens pur jus adoubés par une communauté bien contente des aménagements qui lui permettront de vivre un catharisme light tellement plus moderne que ce catharisme austère et poussiéreux qui leur semble totalement inaccessible. Et c’est logique, le catharisme n’est pas une voie facile et notre cheminement est sans cesse mis en péril par des voies si attrayantes qu’elles nous semblent évidentes quand elles ne sont que des mensonges issus du mauvais principe.
C’est à nous qu’il revient de faire preuve de prudence et de motivation pour nous mettre en situation de pouvoir éveiller notre esprit sans le brusquer, et de pouvoir cheminer sans impatience et en toute humilité.
Le catharisme est une voie unique et ne peut en aucune façon se décliner en néo-catharisme ou en catharisme « Canada dry ». Avec l’aide de Dieu et s’il le veut nous pouvons réussir cet effort.

Éric Delmas, 29 septembre 2015.

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