Les quiproquos de la foi

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Les quiproquos de la foi

Lors d’une discussion récente avec un ami je m’ouvrais à lui de la surprise que me provoquait l’observation de l’évolution des comportements de certains, dont moi-même.
En matière scientifique, même s’il est toujours possible de revenir sur une proposition considérée comme antérieurement acquise, une fois un état acquis, chacun le considère comme tel et poursuit son avance intellectuelle.
Or, en matière de foi je constate que les choses ne sont pas ainsi.
Depuis quatre ans que je connais certains d’entre-vous et que je suis mon propre cheminement spirituel, relancé par la découverte du catharisme, j’observe des attitudes très variées.

Là où je m’attendais à une progression quasi linéaire — même si j’acceptais d’avance qu’elle put être lente — je me rend compte d’un effet que l’on pourrait comparer au mythe de Sisyphe.
En effet, lors des discussions et des Rencontres certains points, parfois douloureux, ont fait l’objet de discussions approfondies et semblaient avoir obtenu des réponses acceptées par tous. Pourtant, je vois sans cesse revenir des positions initiales chez des gens qui semblaient avoir admis l’analyse cathare qui leur avait été expliquée.
De même, d’autres personnes — ou les mêmes — ont facilement tendance à limiter les discussions à des attitudes qui s’apparentent à des monologues (ou plutôt à des dialogues de sourds) en posant comme préalable un point de vue qu’ils veulent voir admettre par les autres et dont ils veulent que tous fassent un pré-requis à toute discussion.
Ce n’est pas forcément, me semble-t-il, un comportement méprisant envers les autres. Je crois davantage qu’il s’agit d’une sorte de cécité à toute autre approche que la leur, qu’elle soit gnostique, mystique, judéo-chrétienne ou autre.

Alors forcément je me suis interrogé sur ce phénomène d’apparente « régression » ou de blocage mental à la reconnaissance d’autres points de vue.
Certes il y a d’abord à considérer le problème de la communication. Je peux très bien avoir mésestimé ou surestimé des choses moins marquées que j’aurais mal comprises en raison des médias utilisés. De même certains peuvent réagir comme ils le font pour des raisons liées aussi à la communication écrite qui dénature souvent les propos.
Je me demande s’il n’y aurait pas aussi une autre explication.
Je ne parle là que de celles et ceux qui avaient marqué un pas net en direction d’une approche cathare dans la compréhension du monde et de l’Esprit.
Je me demande si ces régressions vers des positions intellectuelles plus confortables dans le sens où elles évitent un isolement trop important et une remise en cause d’une vie justement considérée comme en inadéquation avec la pensée, ne seraient pas liées à un défaut d’éveil.
Car l’éveil est un sujet fondamental et à la fois extrêmement compliqué.
L’éveil est d’abord douleur, frustration, sentiment d’un échec passé et présent et compréhension d’une nécessité d’abandon de toutes les certitudes et de tous les conforts.
Or, tant que l’éveil ne s’immisce pas en vous à la manière d’un courant d’air sous une porte, vous ne pouvez pas comprendre combien la douce chaleur de la maison est un leurre face au monde.
J’utilise souvent la référence au film Matrix dans mes propos, car ce film — volontairement créé par ses auteurs comme un outil philosophique et théologique1 — apporte bien des réponses à des questions que l’on se pose, y compris en catharisme.
En l’occurrence, l’éveil y est montré d’une façon remarquable. D’abord il est un choix (avaler la bonne pilule) conscient et motivé et non un état qui vous atteint fortuitement comme si vous aviez gagné au Loto®. Ensuite, il est douleur car, à l’instar de l’homme qui dans la caverne de Platon est arraché à sa nuit relative pour être mis en pleine lumière, ce changement fait souffrir la mondanité confortablement installée dans sa « matrice » sécurisante, même si elle provoque aussi parfois de l’inconfort. Enfin, le dernier stade est celui de la conscience. On voit le vrai monde tel qu’il est et l’illusion dans sa crudité, comme dans le film la « matrice » qui apparaît sous forme de code informatique.
Mais, même à ce stade on n’est pas à l’abri du désir de revenir à l’oubli, comme ce personnage qui va trahir ceux qui l’ont accueilli en échange d’un retour à l’oubli et d’une situation fictive plus confortable que l’ancienne et que la présente.

Et voilà, me semble-t-il, la situation que j’observe. Alors même que je ne suis certainement pas moi-même bien avancé sur mon chemin, je vois ces comportements visant, soit à limiter l’avancée dans la réalité à de petites incursions tout en conservant le confort de la réalité illusoire afin de n’avoir pas trop d’effort à fournir, soit à opérer des marches arrières quand la situation devient effectivement inconfortable.

Que puis-je dire alors même que je suis loin de pouvoir prétendre disposer d’une réponse valable ?
Il me semble que l’éveil est vraisemblablement progressif et que si certains pensent y avoir eu accès de façon brutale, c’est soit qu’ils se trompent sur leur sentiment d’état, soit qu’ils ont fait le lent chemin d’éveil sans en avoir conscience clairement, un peu comme Paul qui décrit un éveil brutal sur la route de Damas mais qui en fait révèle une totale maîtrise intellectuelle de l’éveil, ce qui démontre combien il avait déjà avancé dans cette voie. Alors soit son récit est destiné à frapper les foules comme ses interpolations bibliques lui serviront plus tard à cacher son rejet de l’ancienne loi, soit il a progressé sans s’en rendre compte.
Dans cette progression , l’éveil provoque un état désagréable où l’on voit les comportements induits par un choix de vie bienveillante comme des contraintes. C’est normal car il faut du temps pour que ce changement s’opère et transforme ces contraintes en évidences, renversant la vapeur au point où le confort antérieur devient insoutenable à l’âme de celui qui s’éveille. Comment ne pas me rappeler à cet instant les propos de l’ami cité en début de texte, alors que nous revenions en voiture de chez Yves ? Il me disait alors que je devrai passer par un stade de souffrance avant de pouvoir atteindre l’éveil. À l’époque, je redoutais cela et j’avais du mal à imaginer comment cette souffrance pourrait se manifester. Aujourd’hui je la vois à l’œuvre. Je souffre de n’avoir pas atteint le but désiré dans mon mode de vie, de me traîner lamentablement dans mes progrès comportementaux et du vide qui commence à se faire autour de moi avec ceux que mes choix incitent à me rejeter ou à me mépriser.
Et bien sûr, la facilité serait de changer de cap, de revenir à mon ancienne vie ou de suivre ceux qui prônent un christianisme de confort et un salut sur contrat.
Malheureusement, sans être forcément totalement éveillé — comme Néo dans Matrix — j’ai déjà gobé ma pilule et, dans ma bulle de Plexiglas je sais que je ne suis plus dans le monde illusoire sans avoir encore entrevu les promesses du monde réel. Finalement, je vais donc devoir continuer ma route seul, car le chemin est trop étroit pour y aller à deux de front. J’espère simplement qu’un jour prochain un autre, sur son propre chemin, pourra cheminer parallèlement à moi pendant quelques temps.

1 – Lire à ce sujet l’ouvrage Matrix machine philosophique aux éditions ellipses

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