Le confinement : une contrainte ou une chance ?

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Le confinement : une contrainte ou une chance ?

Face à l’épreuve

Nous rencontrons tous des épreuves dans notre vie, qu’elles soient physiques, professionnelles, sociales, financières ou intellectuelles. Ces épreuves produisent en général un stress, car elles nous montrent notre fragilité et qu’elles remettent en cause nos éventuels projets.

Dans notre monde la fragilité est considérée comme un défaut, voire une faute. Ce monde où l’on voit l’autre comme un prédateur ou une proie, mais rarement comme un compagnon de route, nous alerte à chaque fois que nous tendons à quitter le statut préférentiel pour un autre. Certes, nous pourrions choisir de quitter cette vision que nous présente le monde, mais notre instinct grégaire s’y refuse, car l’inconnu, l’isolement sont considérés comme pires encore.

L’épreuve vient perturber un parcours que nous essayons de rendre le plus confortable et le plus sécurisant possible. Pour demeurer dans le monde sans avoir à en craindre les rigueurs nous tentons de construire un mur de sécurité, comme certains vivent dans des maisons constituées en blocs ultra-sécurisés afin de ne pas avoir à subir ce que de moins fortunés doivent endurer au quotidien, tout en restant à proximité immédiate d’un monde qui nous apporte les produits dont nous ne savons pas nous passer.

Outre la fragilisation et la perturbation, l’épreuve est aussi une remise en cause de ce que nous pensions assuré. On le voit malheureusement, des personnes qui subissent une épreuve importante : chômage, divorce, mort d’un proche, etc. dégringolent littéralement du piédestal qu’elles s’étaient construit et se retrouvent dans la plus grande précarité. Or, la remise en cause subodore que nous ne sommes pas capable d’élaborer quoi que ce soit de durable et que notre volonté d’établir les éléments d’une vie personnelle, professionnelle et sociale est finalement une utopie et une forme d’aveuglement.

Nos réactions, face à l’épreuve, sont variables. Comme face au danger immédiat, nous avons globalement trois moyens de réagir : fuir, demeurer prostré ou combattre. Ces trois options n’ont finalement pour but que de nous maintenir dans un monde qui vient de nous prouver qu’il n’a aucune bienveillance envers nous et d’y demeurer à un prix parfois élevé. Mais si on regarde de plus près, l’épreuve est en fait une occasion que nous donne la vie de réfléchir à nos choix et à notre conception des choses pour, peut-être envisager un changement de paradigme qui nous mènera vers un cheminement différent, mais plus conforme à nos aspirations profondes. Ni fuite, ni prostration, ni lutte, ce choix qui s’offre à nous ouvre simplement la porte vers un autre cheminement.

La souffrance ou une autre vie

Si nous voyons l’épreuve comme une injustice ou comme une punition du monde ou d’un hypothétique Dieu pervers, nous alimentons le cycle de la souffrance. Beaucoup de philosophies et de religions se sont construites sur cette base, à commencer par la première civilisation humaine — les sumériens — qui considéraient que les dieux ne s’intéressaient pas aux hommes et que leur sort, bon ou mauvais les indifférait tant qu’ils ne feraient jamais rien pour eux quelle que soit la dévotion de ces derniers envers eux. Les religions sacrificielles, depuis la nuit des temps, reposent elles aussi sur ce paradigme : « L’homme est ingrat envers ses dieux qui se vengent de lui afin de lui rappeler quelle est sa juste place et ce qu’il leur doit. » Pour rattraper ses fautes l’homme n’a plus, dès lors, qu’à se priver de quelque chose d’important en le détruisant pour n’en avoir plus l’usage et pour que les dieux s’adoucissent. En passant du polythéisme (Élohim) au monothéisme (Iahvé), les juifs ont conservé cette approche et l’on léguée aux judéo-christianismes. En fait, ces religions valorisent la souffrance comme constat amer de notre imperfection, face à ce que l’on croit que Dieu attend de nous : une perfection égale à la sienne !

Mais il y a une autre voie, plus modeste, plus humble et plus cohérente. Nous ne sommes pas parfaits et notre interaction avec le monde nous force à cette imperfection. Au lieu d’en être meurtris, certains font le choix d’en être conscients et d’agir en reconnaissant cette faiblesse. C’est le cas des chasseurs qui demandent pardon d’avance à leur proie en évoquant la nécessité dans laquelle ils sont de lui ôter la vie pour se nourrir. Bien entendu, en totale cohérence, ces peuples sont économes des ressources de la nature. Et il y a ceux qui considèrent que leur imperfection n’est pas liée à leur malignité personnelle, mais qu’elle provient de leur état en ce monde. En effet, dans un groupe, si un individu a un comportement néfaste, il est logique de considérer qu’il est responsable puisque les autres agissent différemment. Mais si tous les individus agissent de même, la question est de savoir si ce n’est pas leur nature profonde qui est perverse puisqu’elle ne leur laisse aucun autre choix. Face à ce constat, ces croyants considèrent qu’ils ne portent pas la responsabilité première de leur état, mais en pleine cohérence, ils considèrent également qu’une fois éveillés à cette compréhension, il leur revient d’essayer de limiter autant qu’ils le peuvent leur interaction néfaste avec leur environnement.

Ils font alors le choix d’une autre vie. En effet, quand on comprend ce qu’est le bien, mais que l’on comprend que notre nature nous pousse plus facilement vers le mal, on ne peut que remettre en cause certaines fausses évidences de ce monde. Le chemin que l’on veut alors suivre est celui de la compréhension de cette opposition interne entre ce que nous sommes profondément et ce que notre nature nous pousse à être. Du coup les épreuves de la vie ne sont plus considérées comme des fautes personnelles dont nous devons nous laver par une démarche sacrificielle envers une entité que nous aurions déçue, mais comme la résultante d’une imperfection due à une entité usurpatrice d’un titre qu’elle ne mérite pas. Dès lors, ce n’est plus vers cette entité que nous allons nous tourner, mais vers celle que nous supposons être à l’origine de ce que nous sommes profondément, des êtres attirés par le bien et la perfection.

Une vie profondément différente

Il ne suffit pas de vouloir se lancer dans une autre vie, si elle doit ressembler trait pour trait à la précédente. Les épreuves ne vont pas cesser et elles prendront parfois des formes imprévues, susceptibles de contourner les défenses que nous aurions eu l’idée de mettre en place. Dans la guerre de la cuirasse et du boulet, c’est toujours la cuirasse qui perd !

Quitte à changer de vie, autant changer aussi de paradigme. Mais cela implique de sortir du schéma « naturel » et de partir sur des voies non balisées. Ce changement fera de nous des étrangers à ce monde et à ses codes. Nous serons exclus, soit de notre fait, soit en raison de l’incompréhension que nous provoquerons chez les autres. En effet, le paradigme que nous allons mettre en place est à l’opposé de celui qui a cours chez les athées et chez les autres croyants. Pour nous, ce monde nous est étranger et hostile parce que nous n’avons rien en commun avec lui si ce n’est la prison de chair qu’il nous a imposée.

Dès lors notre vie sera très différente. Les bienfaits que nous recevrons du monde seront dédaignés comme l’est la caresse du garde-chiourme à l’égard du galérien. Les épreuves qu’il nous enverra seront des moyens de renforcer notre conviction de la validité de notre thèse et les conséquences de ces épreuves ne pourront pas nous affecter profondément, puisqu’elles ne toucheront que des éléments mondains (finances, santé, situation sociale, etc.) dont nous sommes déjà prêts à nous détacher.

Au lieu de nous efforcer à acquérir ces biens que nous jugeons futiles, nous chercherons à détacher notre être profond de la prison qui l’entoure. Pour cela nous chercherons à mieux comprendre la nature de notre état, à tenter de comprendre ce qui est à l’origine de notre nature spirituelle et à mettre en œuvre ce qui nous semblera de nature à accélérer notre retour auprès de ce principe dont nous découlons et que nous appelons Dieu.

Le confinement est un excellent moyen de faire ce travail. En effet, le monde cherche à nous tromper en nous empêchant de nous arrêter sur les moments que nous pourrions comprendre à leur juste valeur. Comme le coureur de marathon, nous ne voyons pas le paysage qui nous entoure, tant nous sommes concentrés sur notre foulée et nous ne voyons pas l’humanité des autres concurrents que nous n’analysons que comme des adversaires.

Il suffit de refuser cette course délétère et de faire le choix de nous arrêter pour qu’immédiatement tout change ! Nous voyons le monde pour ce qu’il est : résultat hasardeux d’un démiurge imparfait. Nous voyons les autres comme des frères d’infortune, attachés au même banc de nage que nous, encore aveuglés par ce monde. Du coup, ce ne sont plus des adversaires, mais de frères que nous souhaitons soutenir et aimer. Quand à celui qui usurpe le titre de Dieu depuis si longtemps, nous ne le craignons plus, car nous savons que nous ne dépendons pas de lui, mais nous l’aimons car nous savons que cet amour qui est notre nature profonde, il en est totalement et éternellement dépourvus et de cela nous le plaignons.

Éric Delmas, le 23/03/2020.

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