Les cinq sens

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Les cinq sens

En regardant une nouvelle fois le film Tous les matins du monde, j’ai décidé de m’appuyer sur lui pour tenter de mettre par écrit ma compréhension de ce que sont réellement les cinq sens et de ce qu’est la sensualité.

Je pense que c’est un point doctrinal qui chez les cathares était clairement la manifestation de la mondanité, car les cinq sens sont l’outil dont se sert l’âme mondaine pour nous asservir au monde.

Tous les êtres vivants sont sensibles — et peut-être même que les éléments que nous pensons dépourvus de sensibilité en dispose sous une forme qui nous est inconnue —, mais l’être humain a dépassé le stade de la sensibilité utile pour atteindre de la sensibilité anesthésiante. Ce point est très polémiste dans un monde où la quasi-totalité de la population est persuadée que les cinq sens mènent à une approche du monde quasiment divine. Or, ce que nous ont appris les cathares, c’est que l’approche divine consiste au contraire à se mettre à l’écart des sens et de la sensibilité ; c’est ce que l’on appelle l’ataraxie.

Les sens, la sensibilité et la sensualité

Les sens sont les moyens par lesquels notre organisme perçoit les informations liées à notre corps et à notre environnement. L’homme en compte cinq : le goût, l’odorat, l’ouïe, le toucher et la vue. Mais, au fil de son évolution, ces sens se sont amoindris, ce qui fait de l’homme l’animal disposant des sens les moins développés, même si certains animaux sont dépourvus de certains sens dont nous disposons. Il peut y avoir aussi des sens dont nous ne disposons pas, comme par exemple celui de l’orientation magnétique. Par contre, beaucoup de perceptions animales sont à mettre au compte de l’instinct plus que des sens. Enfin, certaines perceptions humaines sont considérées comme des sens supplémentaires, mais aucune preuve scientifique n’est jamais venue le prouver.
L’interaction des sens avec notre système nerveux s’appelle la sensibilité. Cette dernière peut également inclure le ressenti émotionnel lié à des interactions qui ne passent obligatoirement par des sens. Le sentiment de deuil par exemple, provoque une réaction de sensibilité indépendante des sens.
La sensualité est considérée comme l’aptitude à ressentir des plaisirs liés aux sens. Cette sensibilité positive et satisfaisante peut être liée à un sens ou à plusieurs. On remarquera que la pratique de l’acte sexuel désiré chez l’homme mobilise les cinq sens.

La raison d’être des sens

Les sens sont des éléments essentiels dans notre rapport à notre environnement. Ils informent en permanence notre cerveau de ce qui peut agir sur notre corps. Mais il est intéressant de remarquer que les sens ont trois sortes d’actions sur notre cerveau : action négative (désagrément, douleur, dégoût, etc.), action neutre (information) et action positive (satisfaction, confort, plaisir, etc.). Cette dernière action est intéressante, car elle ne semble pas essentielle à la survie de l’individu. Son rôle est particulier en cela qu’il consiste à provoquer l’impérieuse nécessité de reproduire ce qui l’a provoqué. C’est donc un rôle de manipulation de notre intellect de façon, le plus souvent, inconsciente. Tous les animaux semblent avoir ce genre de fonctionnement. Chez l’homme il est très développé et peut même, à l’occasion, agir contre l’intérêt vital en favorisant l’usage de produits addictifs.
Sur un plan plus cathare, les sens sont donc l’outil de l’âme mondaine par lequel elle tente de nous maintenir dans notre esclavage en nous poussant à certaines actions et en nous éloignant d’autres. Le but principal de cette âme — qui régit le fonctionnement du corps, incluant le cerveau —, n’est pas de nous maintenir en vie à tout prix, mais de nous empêcher de comprendre ce phénomène, ce qui nous pousserait à chercher à ne plus laisser nos sens nous guider. Bien entendu, l’objectif de l’âme, dans le projet de faire durer ce monde issu du Mal, est de nous obliger à nous reproduire pour fournir de nouveaux corps à la nécessaire transmigration des esprits prisonniers des corps. Ce n’est donc pas un hasard si l’acte sexuel est à ce point producteur d’activités sensorielles positives qui activent de façon extrême les circuits neuronaux de la récompense (adrénaline, sérotonine, endorphines, etc.).

L’ascèse et l’ataraxie

L’attitude psychologique et spirituelle visant à s’opposer aux sens et à la sensualité consiste à endurcir l’organisme face aux sensibilités négatives et à réfréner la recherche de sensibilités positives. Cette pratique s’appelle l’ascèse. Elle s’adresse à tous les sens, mais aussi aux processus psychologiques qu’ils soient issus de notre héritage anthropologique (désir mimétique) ou culturelle (recherche de richesse, etc.).
Quand on parvient à ne plus utiliser les sens que pour leur fonction d’information (action neutre), ou tout au moins à en faire la principale source de sensibilité, on parle d’ataraxie. C’est un état où l’esprit sain prisonnier est non seulement éveillé à ce qui se passe au sein de sa prison mondaine, mais où il peut également interagir avec bienveillance envers elle.
Bien entendu, l’ataraxie est le Graal que recherchent tous les spirituels, quelle que soit la religion ou spiritualité qu’ils pratiquent. Pour les cathares, l’ascèse se doit cependant d’être la plus non-violente que possible, ce qui compliquent et ralentit parfois les choses. L’ataraxie n’est donc pas une absence de sensibilité, mais un équilibre dans lequel la sensibilité se limite à une activité strictement nécessaire au maintien du corps en état de fonctionnement correct.

Les sens et l’émotion

Comme je l’ai expliqué plus haut, l’émotion est liée au sens, mais pas seulement. L’émotion est une amplification du ressenti sensuel qui va avoir un impact sur notre intellect et sur notre psychologie. Le film que je citais au début en est un exemple particulièrement évident. Le maître enseigne à son élève que la musique peut se pratiquer d’un point de vue technique sans forcément provoquer d’émotion ; d’un point de vue sensuel visant à activer les émotions positives ou celles qui vont toucher l’individu dans ses tréfonds sensoriels, psychologiques et spirituels, ce qui impactera plutôt les ressentis négatifs.
Sur le plan psychologique il y a du vrai dans cette analyse. Les ressentis négatifs sont généralement plus marquants et durables que les positifs. Dans les spectacles, si l’on a plaisir à nous détendre et à rire à des comédies, ce qui nous marque le plus profondément ce sont les drames. Ces drames nous marquent plus, sans doute parce qu’ils nous rappellent notre condition fragile et mortelle. Souvent d’ailleurs, ces spectacles mêlent adroitement des temps positifs directs ou indirects, comme l’espoir d’un avenir radieux et des temps dramatiques qui au final concluent l’histoire. Je vous avais parlé il y a quelques temps de l’œuvre de Karen Blixen, Le festin de Babette, qui est construit ainsi, tout comme d’ailleurs l’œuvre la plus connue de cette auteure, La ferme africaine, portée à l’écran sous le titre, Out of Africa. Le comique nous détend, mais le drame nous éduque. Il est d’ailleurs révélateur que le sommet sensitif de l’acte sexuel, l’orgasme, soit appelé couramment La petite mort.
Sur le plan comportemental, l’émotion nous conduit à des pratiques qui peuvent être contraires à celles que nous considérons comme évidente dans le cadre social, culturel et strictement sensitif. Sur le plan alimentaire, nous sommes prêts à consommer des aliments en faisant abstraction de leur nature ou de leur état qui, pour d’autres produits provoqueraient notre indignation ou notre dégoût. Par exemple, le faisandage de certaines viandes, mais plus globalement, l’attendrissement qui est un faisandage restreint, sont acceptés dans certaines conditions, alors que la simple vue d’un cadavre en décomposition nous soulève le cœur. De même nous mangeons avec délectation des escargots, mais l’idée de consommer des limaces nous dégoute. Et en matière sexuelle on atteint des sommets ! En effet, les pratiques sexuelles, aujourd’hui assez courantes, amènent les partenaires à mettre en contact leurs bouches notamment avec des zones considérées comme sales, voire dégoutantes de leur partenaire. Or ces zones, sont extrêmement riches en terminaux sensitifs positifs ! On grondera un enfant qui mange ses crottes de nez, mais on trouvera acceptable d’avaler les sécrétions des zones sexuelles de son ou de sa partenaire. On fustigera celui ou celle qui porte sa main à ses parties génitales, à travers ses vêtements, en public, mais on trouve normal de mettre sa langue sur celles de la personne avec qui l’on fait l’amour ! Et je me demande ce qui a poussé le démiurge à créer chez les vertébrés des zones sexuelles aussi proches, voire intimement mêlées aux zones servant à l’expulsion des déchets du corps. Mais c’est un autre sujet.

Les sens : révélateurs de notre état de mélange ?

Quand je discute avec vous, je constate la réelle difficulté de beaucoup à admettre que la création mondaine est totalement vouée au Mal. Beaucoup cherchent à lui trouver du positif, voire à lui trouver des excuses pour son côté négatif. Je comprends cela, car je sais combien il est difficile à l’être humain d’envisager sortir de sa zone de confort. Or, les sens sont là pour nous indiquer où est la zone de confort et où sont les limites de l’inconfort.
Mais dans le même temps nous pouvons ressentir d’incohérence que cela quand nous laissons émerger notre conscience profonde, guidée par notre spiritualité. Et c’est quand nous sommes capables d’entrevoir ces points d’incohérence que nous appréhendons notre double nature. Mais la nature mondaine est si prégnante qu’elle a totalement envahi la sphère culturelle, au point que ce genre de propos est de nature à choquer profondément la plupart des gens, voire à générer des réactions hostiles et même violentes. En effet, mettre en évidence ce qui s’apparente à une manipulation au plus haut niveau, comme je l’expliquais dans mon texte illustrant le film The Truman show, bouleverse ceux qui ne peuvent s’empêcher de lui trouver une certaine logique. D’autant que l’intégration mentale de cette logique demande beaucoup de temps et exige de sérieux renoncements. Aussi, si vous vous sentez choqué à la lecture de ce texte, oubliez-le ; vous n’êtes pas prêt pour cette partie du cheminement spirituel.

Guilhem de Carcassonne, le 20 janvier 2021.

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