Science et religion

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Science et religion

Depuis le siècle des lumières il est de bon ton de considérer que la science a détrôné la religion en montrant les erreurs que celle-ci a accumulé dans ses dogmes et que la science a révélé grâce à l’avancement des recherches.

Les tentatives de retour aux théories créationnistes d’extrémistes religieux ne peuvent qu’augmenter encore le fossé entre la science et ces religions volontairement aveugles.
Bien entendu, le catharisme n’a pas vocation à chercher dans la science des solutions aux questions qu’il se pose et aux doctrines qu’il défend. La religion s’appuie d’abord et avant tout sur la foi et la science sur l’observation et l’expérimentation.

Les défauts de la cuirasse

Depuis quelques temps il semblerait que la théorie voulant que la science ne peut se tromper et qu’elle a réponse à tout commence à prendre du plomb dans l’aile. C’était pourtant sur la base de cet espoir, et sur la démonstration que la religion avait vraisemblablement menti, que s’était construit l’espoir en une science qui allait résoudre tous les problèmes et apporter toutes les réponses aux interrogations des hommes. Il faut bien reconnaître que la science propose plus souvent de nouvelles questions que des réponses définitives. Dans de nombreux domaine la science n’a pas de solution à nous proposer et se contente, au mieux, de formuler des hypothèses ou de reconnaître qu’elle n’est pas en mesure de résoudre tel ou tel problème. C’est un comportement très sain dont devraient s’inspirer bien des groupes religieux persuadés de détenir la Vérité.
Même quand on croit que la science a résolu un problème on s’aperçoit régulièrement qu’en fait, la théorie qu’elle propose est tout juste capable d’avancer un peu dans la connaissance mais qu’il reste des territoires inconnus, voire inconnaissables, ou des failles majeures dans la théorie mise en avant. L’exemple typique est celui de la naissance de l’univers, le fameux big bang. En fait cette théorie d’un univers jaillissant d’un point minuscule pour s’étendre à l’infini pose de nombreuses questions. Si le tout est dans l’univers, dans quoi est-il en train de se développer ? Le big bang existe par le biais de lois physiques qui, logiquement, le précèdent. D’où viennent-elles et qu’est-ce qui les a mises en œuvre ? Ce point initial du développement, qu’est-ce qui l’a créé, où était-il et y a-t-il un avant le concernant ? Ces questions ont provoqué l’émergence de nombreuses théories invérifiables à cause de la limite physique qui se pose à l’observation, le fameux mur de Planck, c’est-à-dire l’impossibilité de voir ce qui existe avant que la lumière se diffuse. Les origines de l’hommes posent elles aussi de nombreuses questions non résolues. L’état actuel de la science à ce sujet semble acter que les grands singes se sont divisés en branches successives depuis les hominoïdes qui ont vu diverger la branche des hylobatidés (gibbons) et celle des pongidés (orang-outangs) des autres grands singes qui vont s’appeler alors les hominidés. Cette lignée va voir diverger la branche des gorillinés (gorilles) et celle des paninés (chimpanzés et bonobos) et devenir la lignée des homininés qui va aboutir à celle des homos (homme). Cette dernière séparation est l’actuel sujet de recherche des scientifiques qui voudraient bien retrouver le sujet situé à cet embranchement. Pour autant les chercheurs ont découvert des restes de fossiles antérieurs à cette séparation, comme Ororin et Toumaï qui semblent excéder légèrement la date de séparation que propose le principe de l’horloge moléculaire qui fixe cette séparation entre hominidés et homininés aux alentours de 7 millions d’années. Les traces sont très faibles entre ces deux fossiles (8 et 7 millions d’années environ) et l’apparition des australopithèques (4,5 millions d’années), ce qui laisse la place à bien des questions.
La religion est elle aussi pleine de contradictions. L’hypothèse créationniste, du moins dans sa version juive, est totalement démentie par la science. Donc, si le Dieu d’Abraham n’a pas créé l’homme comme indiqué dans la Genèse, ce sont les fondements historiques du judaïsme, du judéo-christianisme et de l’islam qui s’effondrent. Les cathares n’étaient pas concernés par ces problèmes à leur époque mais aujourd’hui qu’en est-il ? Le Dieu d’Abraham étant considéré comme un démiurge sans qualité divine, ces erreurs sont sans importance. Que notre monde soit issu d’un hasard d’un système bien plus ancien, lui-même organisé par le démiurge ou son maître, le principe du Mal, peu importe. Ce qui compte pour nous c’est la façon dont nous y avons été mêlés. Et là, nos ancêtres médiévaux ne nous aident pas vraiment. Les théories cosmogoniques de la chute des anges révèlent surtout l’état psychologique des personnes de l’époque qui rêvaient des possibles liés à l’état de leurs connaissances.
Nous ne pouvons pas faire autrement que de rêver nos propres possibles sur la base des connaissances actuelles. Certes, ce n’est pas très important en soi, mais cela est bien utile pour échanger avec nos contemporains tenants d’autres théories, notamment pour ceux qui ne croient pas en une création divine.

Des rapprochements entre science et catharisme sont-ils possibles ?

Je le rappelle, découvrir ou pas la réponse finale à l’origine de l’homme sur la terre est d’un intérêt relatif pour notre quête spirituelle. Nous croyons en effet que bien des éléments, se situant dans un plan de la conscience qui dépasse largement les capacités d’observation de la science, resteront à jamais inaccessibles à notre pauvre état d’êtres de chair et de sang.
Pour autant les découvertes scientifiques permettent d’adapter nos réflexions à notre époque et de proposer des possibles moins farfelus que nous apparaissent ceux que formulaient les cathares médiévaux.
Les croyances faisant du créateur de ce monde le Dieu unique conduisent à considérer qu’il est responsable de l’état initial de ce monde qui nous montre un univers plutôt brutal, où les corps célestes se percutent, s’agrègent et se désintègrent à loisirs, responsable de bien des catastrophes dont notre planète eut à connaître, puisque nous en sommes à la cinquième période d’extinction massive, la quatrième ayant vu disparaître les dinosaures il y 65 millions d’années. En outre, sa création de l’homme semble totalement contredite par les données de la science qui laissent plutôt entrevoir une évolution.
Pour les cathares les choses sont un peu différentes. Le démiurge crée ce monde qui ressemble assez bien à sa nature maléfique. Sur cette planète, et certainement sur d’autres, il crée les conditions de la vie de façon plus ou moins directe et avec des résultats sans doute le plus souvent négatifs. En effet les conditions de réussite sont extrêmement difficiles à réunir et à maintenir, faisant de l’émergence de la vie un quasi miracle. Mais la chute des esprits est postérieure à cette création initiale. C’est même la dernière période que la Genèse rapporte. Les cathares considèrent que l’infusion des esprits dans les corps de boue pouvait correspondre à l’infusion du souffle dans Adam, faisant de lui la première lignée d’esprits prisonniers de la matière. Est-ce qu’aujourd’hui il serait possible de retrouver dans la recherche scientifique des éléments permettant de valider cette thèse ? Directement, c’est bien entendu impossible, mais les scientifiques ont une démarche précise et nous en avons une autre. Notamment nous acceptons qu’un texte puisse laisser une place non négligeable à des adaptations, ce qu’un chercheur scientifique ne peut légitimement tolérer.

À quoi pourrait bien correspondre cette chute des anges ?

L’infusion des esprits saints prisonniers dans les corps de boue visait à donner à la création du démiurge des qualités destinées à la stabiliser dans le temps, faute de la rendre immortelle, et à en améliorer la qualité afin de la rapprocher de l’idéal divin, tel que l’imaginait le démiurge.
La science de l’évolution nous apprend que la nature tente des sauts évolutifs destinés à faire progresser les espèces et que ceux qui s’avèrent sans intérêt finissent par échouer rapidement. Dans l’évolution de l’homme tout se passe ainsi. Les australopithèques vont certainement faire de la bipédie un outil d’amélioration et puis viendront les utilisations d’outils naturels puis fabriqués, l’utilisation et la production du feu et bien d’autres éléments favorables à l’évolution de cette espèce. Pourtant il est un élément fondamental dont je ne parviens pas à comprendre l’intérêt.
Ce saut évolutif intervient auprès d’espèces qui existent depuis plusieurs centaines de milliers d’années, et qui vivaient très bien en en étant dépourvues jusque là. Ce saut évolutif n’apporte rien de plus à leur mode de vie, et même à la limite, il va le compliquer un peu en leur imposant des pratiques nouvelles. Il se situe sur une période située entre 100 000 et 30 à 40 000 ans avant notre ère. Les homo-neanderthalensis sont déjà là depuis environ 200 000 ans et les homo-sapiens depuis environ 100 000 ans. D’une manière qui est pour l’instant inconnue des scientifiques, l’homme va acquérir la conscience d’un possible extérieur à son champ d’observation et ayant pourtant suffisamment d’importance pour lui pour justifier d’agir en prévision de ce moment. Cette capacité d’imaginer quelque chose qui dépasse notre espace connu s’appelle l’abstraction. Cette pensée abstraite donne à l’homme d’alors l’idée qu’il y a certainement une autre vie après la mort et qu’il convient désormais de donner au mort une protection lui permettant d’appréhender au mieux ce moment situé au-delà de la vie terrestre. Pour cela il va inventer la sépulture protectrice, qui n’a rien à voir avec les charniers où il jetait les corps de ses congénères, non sans en avoir mangé quelques morceaux au passage. Là il s’agit de sépultures, le plus souvent individuelles et protégées des éléments par un coffrage et plus tard une couverture solide. C’est selon ce que j’ai retrouvé dans les données scientifiques que j’ai consulté la première fois que l’homme formalise aussi bien son rapport avec l’inconnu. On est loin des peurs irraisonnées que ses ancêtres pouvaient avoir vis-à-vis des manifestations naturelles. Là, il y a un pont qui se crée entre l’homme vivant ici-bas et ce qui se passe dans l’au-delà de la vie terrestre. Je trouve qu’il s’agit d’une situation qui pourrait illustrer la fameuse chute des anges. Car cette compétence semble tellement supérieure aux capacités de l’homme d’alors qu’elle peut imager l’idée que je me fais d’une réunion d’un être inférieur et d’une entité supérieure, cette dernière élevant le premier au-dessus de sa condition primitive. L’argument que cela est forcément dû à des modifications physiques et physiologiques du cerveau est certes compréhensible du point de vue scientifique, mais ne suffit pas à contrecarrer mon argument. En effet, on observe bien sur le plan purement physique que des éléments extérieur comme des rayonnements peuvent modifier des éléments internes au corps humain. Donc, la frontière, entre le camp scientifique et le camp religieux, est simplement dans la possible interaction entre des éléments dont l’un n’est pas physique mais spirituel.

Comment comprendre cette hypothèse d’un point de vue cathare ?

Si l’on retient cette hypothèse nous pouvons essayer de la mettre en corrélation avec celle de nos prédécesseurs. Symboliquement, l’enfermement des esprits saints dérobés dans les corps de boue peut se comparer à l’instant où, dans la Genèse, Iahvé insuffle la vie dans la narine d’Adam. Cela ferait d’Adam le premier homme au sens où l’on entend ce composé entre matière mondaine et composé divin. Mais, le fait que cette manifestation de notre part divine se fasse par le biais de l’abstraction n’est pas non plus dénué de sens. En effet, au lieu de nous donner un supplément de compétence dans notre développement mondain, c’est une compétence qui dépasse le mondain et qui n’a aucun intérêt pour notre évolution mondaine, qu’apporte l’abstraction. Je pense qu’on peut y voir, d’une certaine façon, ce qui se passe quand Adam et Ève mangent le fruit défendu et découvrent la réalité entre l’illusion du monde et leurs compétences jusque là inconnues d’eux. C’est en fait le premier pas de l’éveil, le premier pas sur le cheminement qui mener à l’évidence de la foi et à la volonté d’aller vers sa bonne fin.
En attendant que la science nous en dise plus, je me contenterais de considérer que cela est suffisamment plausible pour constituer un paradigme moderne de la seconde perturbation telle que la concevaient les cathares et telle que nous pouvons la présenter aujourd’hui.

Quid de la première perturbation ?

Cependant, il reste un point problématique qui peut sembler plus difficile à résoudre. En effet, dans ce cas, il n’y a rien de visible ici-bas pour essayer de comprendre cet élément cosmogonique. Je veux parler de la première perturbation, c’est-à-dire de la corruption de Lucifer ou Lucibel.
Les mentions de Lucifer dans la Bible sont en fait rares. On trouve dans le Livre d’Isaïe 14, 12-14 :
« Comment es-tu tombé du ciel, astre brillant, fils de l’aurore ? Tu as été abattu à terre, toi qui défaisais les nations.
C’est toi qui disais dans ton cour : je monterais aux cieux, au-dessus des étoiles de Dieu j’élèverai mon trône. Je siégerai sur la montagne du rendez-vous, aux confins du Septentrion.
Je monterai sur les hauteurs de la nuée, je m’égalerai au Très Haut.
 »
Il figure également dans le Livre d’Hénoch (I, 6).
Pour le Nouveau Testament, l’Évangile selon Luc (Lc 10, 18) et l’Apocalypse de Jean y font également allusion.
Sous des noms variables il est présenté généralement comme un ange déchu. Certains pensent qu’il était le premier ange dans la création divine et d’autres, notamment chez les cathares, qu’il était le fils du principe du mal, appelé Satan. Ce nom de Satan est également donné à Lucifer.
Mais nous manquons de précisions concernant l’hypothèse selon laquelle il serait devenu mauvais. Si pour Isaïe c’est par désir de surpasser Dieu, les autres mentions, et notamment l’Apocalypse, parlent de ses actions.
Pour nous cathares, l’idée d’un esprit divin succombant à l’envie et à l’ambition est impensable. En effet, comme le dit fort bien Jean de Lugio dans son Traité du libre arbitre inclut dans Le livre des deux principes[1] : « Comment des anges créés bons auraient pu haïr la bonté, semblable à eux, et qui existait de toute éternité, ainsi que la cause de cette bonté [le bon principe], pour se mettre à aimer le Mal, qui n’existait pas encore, et qui est tout à fait le contraire du Bien. Et cela sans aucune cause, puisqu’au dire des ignorants, il n’y avait pas de cause profonde du Mal. »
On le voit, si l’hypothèse de l’ange divin corrompu par sa haine de Dieu et son envie de le surpasser, est clairement compréhensible dans le monde judéo-chrétien, elle ne tient pas la route pour les cathares. Mais elle transparaît chez les mitigés qui essaient d’accorder judéo-christianisme et catharisme sur un certain nombre de points.
Par contre, l’hypothèse selon laquelle Lucifer serait un ange de Satan et qu’il accomplirait son œuvre est cohérente avec la pensée cathare. C’est d’ailleurs cette hypothèse que l’on retrouve chez le polémiste Monéta.
Cette approche dément la notion de chute de Lucifer, puisqu’en sa qualité de fils du mauvais il était déjà du côté du Mal, et permet de comprendre qu’il ait eu les moyens de provoquer la chute des anges qu’il a trompé sans difficulté puisqu’ils n’étaient pas armés pour lui résister. Seul le bon principe peut protéger ses émanations des actions du Mal.
Mais tout cela reste de la spéculation et ne peut être rapproché d’aucun événement scientifique.

Science et religion ont donc encore de nombreux points d’incompréhension mutuelle qui rendent vaine toute tentative de les faire coïncider même s’il n’est pas interdit de voir, ici ou là, des éléments troublants de convergence, du moins si l’on aborde les choses du point de vue cathare.
Cette approche est un élément utile pour créer un dialogue entre croyants et athées. Il permet d’amener à réfléchir ceux qui réfutent tout opinion religieuse et montre que le catharisme est une religion ouverte et réfléchie.

Éric Delmas, 13/02/2016.


[1] Jean de Lugio, Le livre des deux principes in Écritures cathares de René Nelli.

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