Référence ou alibi ?

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Le catharisme intéresse beaucoup de monde. Il faut dire que sur une campagne de publicité, il est préférable de s’afficher ami des cathares qu’ami des inquisiteurs.Cela n’est pas méchant même si cela met en exergue l’inculture de ceux qui s’abaissent à ces expédients. La sandwich cathare à la saucisse est déjà ridicule mais quand on le trouve dans un estaminet de la cité médiévale de Carcassonne, c’est presque méprisant de la part de celui qui montre ainsi qu’il ne s’est même pas donné la peine de questionner un des guides conférenciers  qui vient se restaurer chez lui.

Ce qui me gêne le plus c’est quand la récupération peut laisser supposer à une intention moins basique.
Cela s’observe de deux manières. D’abord il y a la certitude que celui qui se livre à ce jeu est parfaitement au courant de la réalité mais qu’il affecte de n’en rien savoir. Ensuite il y a l’attitude fuyante qui consiste à dire que bien entendu le lien avec les cathares n’existe pas, mais qu’en fait il aurait pu exister, et que après tout peut-être a-t-il existé et qu’enfin il a certainement existé et que les preuves du contraire doivent être minimisées, voire niées.

C’est le seul reproche que je fais au Pasteur Michel Jas, car je suis convaincu que par ailleurs cet homme de foi n’est pas méchant homme, mais sa volonté de rattacher les protestants aux cathares lui fait perdre toute mesure.
En ressortant de ma bibliothèque son premier ouvrage Braises cathares je ne peux que relever cette manie, qui n’a rien d’espiègle, qui consiste à dire une vérité pour mieux la nier ensuite et à attribuer aux protestants la voie filiale cathare.
M. Jas sait encore mieux que le gouffre théologique et doctrinal qui sépare les cathares des protestants faisant de ces derniers des frères — autrefois ennemis — des catholiques et des orthodoxes mais qui ne pouvaient considérer les cathares que comme des hérétiques.
J’ai le souvenir d’une disputatio qui s’était tenue à Roquefixade en 2007 et à laquelle participaient Monseigneur Marcel Perrier, évêque catholique de Pamiers, Bernard Bordes, pasteur protestant du Mas d’Azil et Yves Maris, “philosophe cathare” selon le qualificatif qui lui était le plus souvent attribué.
Au cours de cette discussion, à laquelle assistait à mes côtés Ruben de Labastide, le pasteur Bordes eu cette réponse très claire et très honnête à une remarque de Yves sur le caractère non dogmatique du catharisme :

« Moi, je suis un chrétien dogmatique ! C’est-à-dire que j’appartiens à une Eglise que l’on dit « confessante », qui reconnaît, à sa base, un certain nombre de confessions de foi sensées interpréter l’Ecriture. Et la Confession de foi de La Rochelle, dont Calvin a été l’inspirateur, au XVIème siècle ; laquelle Confession de foi de La Rochelle reprend tout bonnement l’ensemble des dogmes de l’Eglise primitive : le Credo, le symbole des apôtres, de Nicée et de Constantinople ; enfin, bref, des choses très conservatrices. Et ça, les gens ne le savent pas toujours ; or, nos pères réformateurs, même s’ils ont initié le mouvement de la réforme, n’ont pas balancé comme ça tous ces dogmes qui s’étaient constitués pendant des siècles (les dogmes de l’Eglise primitive). Donc, dans un sens, je dirai, au risque de déplaire, peut-être : je suis un affreux dogmatique ! »

Cette différence fondamentale est d’ailleurs loin d’être la seule. Le protestantisme n’attribue pas ce monde au diable et ne renie pas le caractère divin de l’Ancien Testament.
Aussi essayer à longueur de pages — et même à longueur de livres puisque le pasteur Jas vient d’en publier un nouveau — d’atténuer, voire d’effacer ces divergences profondes ne peut que donner une image peu glorieuse des motivations qui permettraient de comprendre une attitude aussi peu cohérente.

Et ce ne sont pas les tentatives dérisoires et alambiquées destinées à étayer ce raisonnement faux de part en part qui vont relever le niveau de l’ouvrage. Quand il s’avère qu’une même famille  voit ses enfants se partager entre foi cathare et foi catholique, ce qui met à mal la théorie de l’auteur d’une “filiation” patronymique cathare (qui lui sert ensuite à relier cathares et protestants), il balaie l’obstacle en prétendant qu’il s’agit d’une sorte de manœuvre de diversion destinée à embrouiller les observateurs catholiques. On imagine assez bien un adulte consacrer sa vie à une religion qu’il ne peut qu’exécrer à seule fin de ruse et de pousser l’effort jusqu’à devenir archevêque de Carcassonne !

Ce n’est pas la seule personne qui se livre à ce que je ne peux comprendre que comme une tentative dérisoire d’appropriation d’un passé glorieux d’une église martyre pour valoriser une église qui voudrait bien marquer le fossé qui la sépare de l’église catholique quand en fait, ce fossé ressemble sur bien des points à une petite rigole.

Aujourd’hui, les braises cathares sont refroidies et je souhaite qu’elles ne se rallument jamais, enfin je parle de celles de leurs bûchers car, pour ce qui est de la résurgence de cette voie chrétienne elle est belle et bien manifestée, quoi qu’en pense et qu’en clament certains. Les bûchers sont refroidis et les bons chrétiens ont dû sourire un peu entre deux rictus de souffrance en pensant que leurs opposants leur rendaient finalement le plus grand service possible à l’époque en leur permettant de quitter ce monde vierges de tout péché et d’ainsi leur permettre d’accéder à l’objet de leur quête.

Aujourd’hui, tous les chrétiens parmi lesquels les catholiques, les protestants, les orthodoxes, les cathares et bien d’autres, peuvent cohabiter sans haine et sans désir de revanche sans qu’aucun ne se sente obligé de stigmatiser l’autre pour ce que ses prédécesseurs ont fait ou de dépouiller le cadavre pantelant des martyrs pour s’en revêtir comme Héraklès de la peau du lion de Némée.

Le catharisme ne peut être une référence que pour ceux qui en reçoivent et entretiennent la flamme spirituelle et il ne doit pas servir d’alibi à ceux qui cherchent à se démarquer d’autres courants chrétiens. Je ne doute pas que ces derniers auront la capacité de trouver des arguments de qualité pour faire valoir leur thèse.

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